Cela fait plusieurs fois que je reçois des coups dans les manifestations nantaises alors que je fais des photos. Être repoussé, être pris à partie verbalement, prendre un coup de matraque sur le poignet pour faire tomber mon téléphone avec lequel je filmais, prendre un coup de bouclier pour me repousser... je me dis que cela fait plus ou moins partie du jeu. Ce n'est pas comme si j'avais une main, un pied, le crâne défoncé, la mâchoire brisée, les dents cassées ou un œil en moins.
Le 17 Décembre en fin d'après midi ce fût un peu plus sale. Un homme m'insulte alors que je venais de dire des policiers qui gazaient et chargeaient le personnel soignant en manifestation qu'il "faisaient n'importe quoi". Oui parfois je craque et j'ouvre la bouche. C'est très rare, la plupart du temps je fais juste des photos. L'homme qui semblait téléphoner m'a traité de sale gauchiste (suivi de quelques autres insultes plus crues) tout en remarquant que je faisais des photos. Il ne portait pas de brassard de police, était habillé en civil et voulait visiblement en découdre ce qui ne m'intéressait pas. Après m'avoir mis un crochet il a couru se réfugier dans un camion de gendarmerie derrière des gardes mobiles. Ce que je dis là au sujet du camion, ce n'est pas moi qui l'ai vu ce sont les témoins de la scène ; j'étais alors en train de me relever et je cherchais le gars.
Ce matin du Samedi 21 Décembre, alors que je photographiais la fontaine de la place Royale avec les décorations de Noël mises en place par le collectif "Justice pour Steve", le même homme était présent. Pas habillé de la même façon, mais il portait la même grosse bague au doigt et au téléphone. Nous l'avons reconnu.
On a pris l'habitude de voir les diverses forces de police et de gendarmerie commettre des violences. Beaucoup de journalistes - en plus des manifestants ou de personnes qui passaient aux abords d'une manifestation - font état d'agressions et de blessures. Les forces de l'ordre sont de plus en plus enclines à frapper celles et ceux qui filment et photographient. Il faut dire que les vidéos montrant leurs actions violentes sont légion sur Internet. Un collectif de journalistes R.E.C (Reporters En Colère) s'est formé il y a peu.
De plus en plus de personnes sont confrontées aux violences policières ainsi qu'à des arrestations arbitraires. Au vu du nombre de blessés dont des blessés graves (et quelques morts), il devient difficile de fermer les yeux sur ce qu'il se passe. C'est à Nantes que Steve est mort noyé dans la Loire après une charge de la police. C'est à Marseille que Zineb Redouane a été tuée par un tir de grenade. C'est à Sivens que Rémi Fraisse a été tué par une grenade.
À qui profite le fait de fermer les yeux sur toutes ces violences ?