The Tony Williams Lifetime, Emergency !, Verve, 1969 & The Tony Williams Lifetime, (turn it over), Verve, 1970




Ces deux albums de Tony Williams arrivent à faire cohabiter l'émotion punk et la liberté jazz. Et, à l'heure actuelle, Tony Williams ne dépareillerait pas aux côtés de Clara Clara, Battles, Slint, Earth, Cheval de Frise, Doppler et autres curieux groupes de fouineurs bruyants. Dans son dossier sur le Jazz Fusion (Jazz Magazine n°559) monsieur Goaty parle de (turn it over) comme "de la rencontre de Nirvana et de Coltrane".

Avec The Tony Williams Lifetime le jazz prenait un virage, ou plutôt décollait sur un tremplin. La chose commence en 1969 avec Emergency ! et était dans l'air chez pas mal de jazzmen qui passèrent dans les groupes montés par Miles Davis (Tony Williams vient juste de quitter Miles avec lequel il tournait depuis 1963). Faut dire aussi que Jimy Hendrix et Cream sont dans le coin. La batterie se fait parfois binaire et le grésillement de l'électricité, que ce soit la guitare de McLaughling ou l'orgue de Larry Young, plane sur chacun des morceaux. Le son de l'enregistrement est celui d'un groupe de punk genre The Stooges.

Dans (turn it over), John McLaughlin envoie du bois, Khalid Yasin (Larry Young) se déchaîne à l'orgue... Tony William cogne dur. On est loin des rythmes funk du jazz rock des Brecker Brothers et quand la voix s'en mêle, notamment dans Beyond Games, on s'approche des ambiances que Lou Reed développe dans le Velvet Underground. Le MC5 et le Bop entrent en collision, ça vire un peu free tout en restant assez binaire, le résultat est plutôt assourdissant. Les compositions de Chick Corea, Antonio Carlos Jobin et John Coltrane sont dynamitées. Les parties vocales rappellent un peu le chant de Chet Baker sans le background, ce qui donne quelque chose de touchant et brut.