Musiques et Images (épisode 5)



La télé c'est pas bien !


Mes premiers souvenirs télévisuels tiennent dans un match de football regardé avec mon papi, la queue de cheval de Dorothée, les dessins de Cabu, les génériques de San Ku Kaï, d'Albator et Capitaine Flam. Dans la cour de récréation au Havre on jouait à sauver Johann accrochée par les méchants aux barreaux de la cage à écureuil.



À Beauville j'entendais parler de Dallas dans la cour de récréation. Je connaissais la chanson : Dallas ton univers impitoyable... J'imaginais J.R. en cow boy super méchant. Il se déplaçait à cheval et faisait tourner son lasso dans la poussière de la rue principale. La première fois que je pus voir un épisode ma déception fut énorme, j'ai dû tenir 5 minutes.

La télé à la maison...

Quand la télé arrive à la maison nous ne la regardons que rarement et à des horaires précis pour Ulysse 31 et Il était une fois la vie sur FR3. Parfois le mardi il y a un film. Il faut arracher des bouts de télé là où on peut. À La Baule avec mon frère nous nous battons contre l'arrière grand père qui squatte la télécommande et regarde Des chiffres et des lettres alors qu'il y a Lucky Luke sur la 3. Chez ma Mami il faut sacrifier des après-midis de vacances à la plage pour voir Supercopter, Tonnerre mécanique, Shériff fais moi peur et L'Agence tout risque. La télé est pleine de génériques. Éric Charden fait partie des chanteurs de mon enfance sans que j'en prenne conscience. Musicalement Albator, Ulysse 31, Zora le rousse et Supercopter sont pour moi des hymnes avant de devenir des madeleines de Proust.


... puis dans la chambre

Au tout début de l'adolescence je finis par avoir un petit poste de télé dans ma chambre. Et là je consomme comme un goinfre pendant un an ou deux. Avec l'image mon rapport à la musique change un peu. C'est une boulimie de clips... A-Ha même s'il y a un peu trop de clavier, Dire Straits (en plus il y a le disque à la maison), R.E.M. puis les Red Hot Chili Peppers. Les français ne sont pas en reste avec Alain Bashungles premiers clips de Laurent Boutonnat pour Mylène Farmer. Je craque pour la chanteuse de Niagara et dans Cargo de nuit on peut voir nos premiers poils de chatte à l'écran.


C'est sur M6 que je découvre les Bérurier Noir lors de la retransmission de leur concert d'adieu à L'Olympia en 1989. Ce soir là tout bascule. Le terrain largement préparé par les chansons de Renaud et le contexte familial voit éclore la rage adolescente. Tout est là : la puissance, l'énergie, l'engagement. Les Bérurier Noir ouvrent la voix aux Garçons bouchers, Parabellum, Les Cadavres, OTH, Ludwig Von 88, La Souris Déglinguée, Les Sales Majestés, Happy Drivers et autres bijoux. Mes premières cassettes des Bérus sont directement repiquées sur la télé. Il en sera de même avec les premiers Public Enemy diffusés dans RapLine.



En fait la télé, c'est long et on ne choisit pas.

À la télé il faut se taper 3 ou 5 clips de daubes pour avoir quelque chose d'intéressant. L'arrivée du magnétoscope va changer la donne. Tu peux enregistrer ce que tu aimes et te le passer en boucle. Avant l'arrivée du DVD j'userai quelques VHS : Recherche Suzanne désespérément de Susan Seidelman, The Rocky Horreur Picture Show de Richard O' Brien, Le septième sceau de Bergman, Rue Barbare de Gilles Béhat...

Le film The Wall tourne régulièrement. Les images me semblent alors apporter un surplus de sens aux chansons, je ne me rends pas encore compte que leurs prégnance peut orienter la sensation et la construction imaginaire et de fait m'enlever un peu de ce que je construis moi-même autour de la musique. Des questions peuvent se poser : est-ce que l'image et la musique font bon ménage ? Est-ce que l'image ne spolie pas une partie de la construction imaginaire en l'enfermant dans une connotation trop forte ? Il y aurait tout un travail à faire avec des personnes aveugles pour savoir quelles sont les différences de perception, de construction et de jouissance.




Les autres épisodes de ma vie musicale sur Duclock :
Héritage & Industrie (épisode 1)
Boys Boys Boys (épisode 3)
Musiques et Images (épisode 5)
Premières munitions (épisode 6)
Fin des années 80 (épisode 7)
Place de ma mob (épisode 8)
Solitude et bande originale (épisode 9)
Ce que Nirvana me disait (épisode 10)