Fin des années 80 (épisode 7)



La fin des années 80 est un grand fourre tout musical. Plusieurs tendances se dégagent : le trash de Metallica va sauver le hard rock en l'emmenant sur d'autres terres, le rap envahit le monde et la vague du rock alternatif français n'a de cesse de gonfler. À la fin de la décennie j'ai 14 ans et une mobylette.

AC/DC, Extreme, Warrent & Police in Le Havre

J'achète parfois une cassette parce que c'est deux à quatre fois moins cher qu'un CD et que je peux l'enfiler directement dans mon walkman. Les gros écouteurs recouverts de mousse orange callés sur les oreilles je découvre qu'il est facile de frauder le bus dans cette bonne vieille ville du Havre dans laquelle je reviens pour les vacances. Combien d'après-midi passées dans les transports en commun de la ville portuaire ? Le son pas loin du maximum, je chante I can't stand loosing you ou Message In a Bottle en yahourt dans le bus et les gens me regardent. Je m'en fous, c'est cool. Caucriauville, Saint Anne, Saint Vincent, Sanvic, Quartier de L'Eure, Saint François, Dollemard...  j'oublierais les cassettes de If You Want Blood You've Got It d'AC/DC et le troisième album d'Extreme sur un banc du quartier Mont-Gaillard. Rien de grave pour Extreme. Par la vitre je regarde la ville défiler ; c'est une de mes villes avec Agen et La Baule.


Un jour où je descends vers le port cinq skinheads m'accostent. Je porte un médaillon aux couleurs de la Jamaïque autour du cou, dans mon walkman il y a Public Enemy. Ils me disent qu'ils vont me faire passer le goût de l'Afrique. J'ai chaud mais sans plus ; très vite je regagne la rue René Coty très passante, derrière moi une ultime phrase m'apprend que je suis un traître à ma propre race. Je me vengerais un peu plus tard, avec les cousines. Les graffitis à la bombe noire du haut de la ville jusqu'à la plage, c'était nous.

Public Enemy le Hip Hop et M6

Année scolaire 1989/1990. Je ne sais pas très bien pourquoi mais on m'a changé de collège et je me retrouve à La Rocale dans la banlieue d'Agen. Plus de lac, plus de village perché en haut de la colline mais la ville et un centre Leclerc pas très loin. Là je suis comme un poisson dans l'eau, très vite je me refais des copains. Duduche écoute les Guns n' Roses, Lolo c'est AC/DC et Metallica.


Le dilemme est de taille. J'aime le hard rock, je découvre les Bérurier noirs, mais à la télé sur M6, RapLine cause de rap. Il me faut deux après-midi à la ville pour trouver des Nike noires et montantes (je passerais au stylo feutre noir la marque distinctive, parce que quand même les marques c'est de la merde, pas vrai ?) ; j'enfile un pantalon trois fois trop large et j'ai un sweet Peace and Love. Aux côtés d'Iron Maiden AC/DC, Scorpions et Metallica il y a Bust a Move de Young MC, Bouge de là de MC Solaar,  et Fight The Power de Public Enemy, des titres repiqués directement sur la télé avec un son à chier. À l'aide du clavier Yamaha de la maison qui fait aussi boîte à rythme, j'enregistre 3 raps qui parlent de drogue, de casse de banque foiré et de la jeunesse désoeuvrée.


Il y a tout un côté mode qui me gène dans le rap, cette surabondance de filles en maillot de bain et les marques de fringues mises en avant ne correspondent pas à l'idée que je me fais de la vie ; les copains, eux, continuent à écouter du hard. On se retrouve sur le grunge et, Bérurier Noir obligent, le punk. Bertrand lui, écoute aussi de la techno. Dans ce grand foutoir musical où de nouvelles amitiés vont se sceller autour des soirées jeux de rôle et des premières beuveries, c'est à peine si je me rends compte que l'enfance vient de passer.


Les autres épisodes de ma vie musicale sur Duclock :
Héritage & Industrie (épisode 1)
Boys Boys Boys (épisode 3)
Musiques et Images (épisode 5)
Premières munitions (épisode 6)
Fin des années 80 (épisode 7)
Place de ma mob (épisode 8)
Solitude et bande originale (épisode 9)
Ce que Nirvana me disait (épisode 10)