Sabrina
En bas de la colline sur laquelle est perchée le village de Penne d'Agenais il y a le collège et à côté du collège il y a le lac. C'est là qu'on a joué à Boys Boys Boys avec Fred et la fille qui avait de gros seins. L'industrie musicale (le disque, les tournées et tous les dérivés) ont transformé toute un partie de la musique en marchandise et le sexe fait vendre. Et si ce n'est pas le sexe, c'est la légende et l'image. Boys Boys Boys c'était à la fin de l'année scolaire quand les profs nous emmenaient au lac parce qu'il n'y avait plus rien à faire et que nous jouions dans l'eau verte. Il y avait une grosse bouée et on dansait dans l'eau autour de cette jante de tracteur gonflée à bloc. Et... enfin... quoi... on était tous là en maillot de bain avec nos mains pleines de doigts.
Tout ce temps qu'on me vole...
La 6ème est ma pire année scolaire, 1987-1988 c'est presque un an avec des crampes au bide tous les jours. Je connais l'infirmerie du collège par coeur et dans ma tête je calcule. Je suis nul en math mais je calcule sans cesse. Je calcule le nombre d'heures que le collège me vole. Le nombre d'heures que je passe enfermé dans une salle et le nombre d'heures où je suis libre.
Ça s'est calmé au bout d'un moment.
J'ai fini par me rendre à l'évidence qu'il fallait que j'accepte tout ce temps que l'école me volait. J'ai trouvé des parades ; je profitais des cours pour dessiner, écrire des histoires ou des scénarii de jeux de rôle. Un peu plus tard je ferais des chansons, des poèmes, des listes de musiques, des listes de groupes et des listes thématiques. Je développais des techniques de survie, laissais pousser mes cheveux pour cacher mes yeux, somnolais pour rattraper les quelques heures de sommeil des nuits forcements courtes ; il y avait tant à découvrir en dehors de cette fichue école. J'avais un deal avec le chauffeur de bus, je lui prenais une chocolatine à la boulangerie et il m'en payait une, plus tard je pourrais mettre de temps en temps une cassette dans le lecteur de cassettes... je commençais à m'insérer.
Hardos des bois, la passion Eddy
En 5ème, j'avais mon T-Shirt Iron Maiden The Trooper et mon bandana rouge de Renaud, si je connaissais les chansons de Renaud je n'avais jamais jeté une oreille sur ce groupe mythique. Maiden pour moi c'était Eddy et les grands de la cour de récréation... Et un grand dont j'ai oublié le nom avait échangé quelques mots avec moi parce qu'il trouvait mon T-Shirt mortel ; à la grande récréation, entre midi et deux, j'allais m'assoir avec eux. Ce grand - le chef des grands - s'asseyait contre le mur. Sa copine, dont j'ai oublié le nom - une blonde avec de beaux yeux bleu - plongeait sa main dans la braguette de son copain. Elle me disait que c'était ça qu'on aimait pas vrai ? quand elle voyait que je la regardais. Et tout ce petit groupe écoutait Iron Maiden.
Je voyais passer des cassettes où ils avaient dessiné Eddy et il était vachement bien dessiné. Je pensais qu'une musique qui avait engendré une mascotte aussi géniale était forcément bonne. Iron Maiden c'est avant tout des images. Plus tard on me prêtera enfin un cassette et quand je la mettrais dans la R5 bleue, ma mère dira : ce groupe s'approche de la musique classique. Et c'est vrai qu'il y avait quelque chose des 4 saisons de Vivaldi là-dedans.
Notez au passage que si Maiden joue avec une certaine image, le groupe ne concède rien au racolage sexuel dans ses jaquettes de disques. Mais avant que je jette une oreille sur Iron Maiden il est un jour où Alain m'appelle le Hardos des bois. Il me parle de Krokus et me prête une cassette d'AC/DC en me disant que ça devrait me plaire. Le soir je la mets dans le lecteur du salon et je pousse le volume. Ma mère qui préparait à manger me regarde et me demande :
-Tu aimes ce genre de musique ?
Je ne sais pas si j'aime ça, je suis juste terrassé par la déferlante de décibels, la puissance de la voix, le brouhaha des guitares. Je regarde les vu-mètres qui sautillent dans la zone de saturation. Je réponds :
-Ouais j'adore ça.
J'étais intégré.
J'avais une étiquette.
J'avais ma place.
Les autres épisodes de ma vie musicale sur Duclock :
Héritage & Industrie (épisode 1)
Juste une mise au point (épisode 2)
Boys Boys Boys (épisode 3)
Musiques et Images (épisode 5)
Premières munitions (épisode 6)
Fin des années 80 (épisode 7)
Place de ma mob (épisode 8)
Solitude et bande originale (épisode 9)
Ce que Nirvana me disait (épisode 10)
Premières munitions (épisode 6)
Fin des années 80 (épisode 7)
Place de ma mob (épisode 8)
Solitude et bande originale (épisode 9)
Ce que Nirvana me disait (épisode 10)