Jean Teulé, Le Montespan, Julliard, 2008


"Sa jupe moirée va et vient comme une marée sur les premières marches de l'escalier. Louis-Henri resté près de la boule de cuivre de la rampe, joue celui qui boude sa femme :
- J'hésite...
(...)
- Savez-vous que dessous je porte trois jupes légères ? Voyez d'abord la première, couleur bleu naissant, qu'on nomme la modeste, fait-elle en dégageant légèrement l'arrière de sa robe pour dégager une jupe qu'elle soulève à son tour. La deuxième bleu mourrant, porte le nom de friponne..." Et tous les deux de monter ainsi l'escalier en détaillant la façon dont s'agence l'appartement des jeunes mariés "faite à la verticale sur trois étages - une distribution aberrante liée à l'étroitesse du parcellaire parisien qui oblige à construire en hauteur. Que d'allées et venues dans l'escalier ! - il faut monter le bois mis en réserve dans la cave et aussi l'eau, dans des seaux tirés au puit de la cour." Jean Teulé a le souci du détail qui fait l'ambiance, tout en avançant dans l'histoire il truffe habilement ses pages d'odeurs, de sons et d'objets qui relatent l'époque et son organisation sociale. Et l'histoire de ce cocu magnifique qu'était le Montespan est aussi prétexte à retrouver les moeurs d'une époque - comme dans Je, François Villon - de Versailles et sa cour, de la noblesse de Province, des batailles et guerres de la France d'alors...

On croise pas mal de musique dans "Le Montespan". Lully (1632 - 1687) bien sûr - en chair et en os - considéré comme le père de l'opéra français, auteur de 80 ballets et opéras et qui travailla avec Molière... Nommé en 1661 surintendant et compositeur de la Chambre, puis en 1672 directeur de tout le théâtre en musique, grâce à Louis XIV il régna sur l'opéra et de 1672 à 1687 ; l'Académie Royale de musique (Opéra de Paris) ne joua que ses oeuvres. Thésée (1675) qui se sert de la mythologie pour commenter les événements politiques de l'époque où Madame de Montespan fait figure de nouvelle Athénaïs.

Voici une reconstitution du bourgeois gentilhomme de Molière accompagné par la musique Marche pour la cérémonie des Turcs de Lully. La scène est tirée du film Le Roi danse (2000) de Gérard Corbiau.



On croise aussi des chansons dans "Le Montespan". Le livre s'ouvre d'ailleurs sur la Chanson de Saintonge dont les paroles ne sont pas sans rappeler les déboires du Marquis...

Le roi a fait battre tambour
Le roi a fait battre tambour

Pour voir toutes ces dames

Et la première qu'il a vue

Lui a ravi son âme.


Marquis, dis-moi la connais-tu ?

Qui est cett' joli' dame ?

Et le marquis l'i a répondu:

" Sire roi, c'est ma femme! "


On retrouvera cette chanson interprétée par de nombreux chanteurs et chanteuses, d'Anne Sylvestre à Nan mouskouri en passant par Le Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre et Guy Béart... Yves Montand dans son remarquable album Chanson populaire de France (Sony, 1992).

Edith Piaf et Les compagnons de la chanson en donnent une version poignante en 1946.






Jean Teulé & les 3 questions du Dj duclock

Jean Teulé a répondu aux 3 questions du Dj Duclock par l'intermédiaire d''Internet, merci à lui.

Dj Duclock : Qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Jean Teulé : Le Grand Dîner Tribute à Dick Annegarn. C'est un CD où plein de jeunes chanteurs dans l'air du temps reprennent des titres du Belge à leur manière et c'est formidable, même mieux que l'original…

Dj duclock : Que lis-tu en ce moment ?

Jean Teulé : Toute l'œuvre de Charlie Schlingo car comme, avec Florence Cestac en tant que dessinatrice et moi scénariste, nous sortons le 23 janvier 2009 une BD de cent pages intitulée : Je voudrais me suicider mais j'ai pas le temps (titre intelligent) qui raconte la vie extravagante de ce dessinateur de bandes dessinées totalement frapadinque et mort spectaculairement en 2005, je me replonge dans ses albums pour essayer d'en parler le mieux possible lors des interviews qui risquent d'arriver.

Dj Duclock : Quelle est ta dernière surprise, la dernière fois que quelque chose t'a surpris ?

Jean Teulé : Le succès de mon dernier roman : Le Montespan. Je ne m'y attendais pas du tout ! Je n'ai pas vu le coup venir. Jamais je n'aurais imaginé qu'un jour autant de gens allaient acheter un de mes livres. J'en étais sur le cul. Pourtant, j'aurais dû me méfier car quand l'assistante de mon éditeur l'a lu, elle m'a dit : "Jean, ce roman fera 120 000 exemplaires. " Moi, j'avais rit : " Bien sûr, Delphine. 120 000… en une époque où la moyenne des auteurs est de 1 500… " et puis j'avais rajouté, croyant ne prendre aucun risque : " Si jamais Le Montespan fait 120 000, Delphine, je vous invite à déjeuner au Plaza Athénée ! " À 120 000, nous y sommes allés. À 240 000, on a dû y retourner… Est-ce qu'on va y retourner une troisième fois ? C'est que ça fait des frais, quand même…