Gregg Araki a une imagerie forte, je l'ai reconnue avant de voir son nom sur l'affiche. A l'époque je n'avais pas du tout accroché à Nowhere (1997) le seul film que j'avais vu de lui. Que peuvent nous dire ces images aux dents blanches, cette vision du monde adolescent (le film se passe sur un campus) très lisse, flashy et hygiénique. La seule chose qui semble intéresser ces jeunes c'est leur corps et le sexe et la musique aussi, mais plus pour communier que pour l'écouter. Quelques scènes sont d'ailleurs très bien tournées comme quand cette fille explique à un gars un peu lourdaud comment pratiquer un cunnilingus. Cette façon de parler, en toute liberté de son sexe, je ne l'ai jamais croisée dans aucun autre film. Si mes souvenirs sont bons l'homosexualité, la diversité des possibilités d'attirance sexuelle étaient déjà abordés dans Nowhere de façon outrancière. Elles sont ici beaucoup moins tape à l'œil et mieux amenées et peuvent provoquer une décomplexion salutaire.
Le film laisse un sentiment d'inachevé et de précipitation sur son dernier tiers (même si l'accélération finale est une bonne idée), il y a comme un manque de sens. On pense parfois à Southland Tales, le plantage de Richard Kelly, mais là où Kelly se prend au sérieux, Araki décale un peu l'angle et quelque chose de grinçant s'installe. La diversité des genres cinématographiques abordés : la comédie, le thriller, le film d'épouvante et d'horreur, les séries américaines, peut dérouter et converge vers un ridicule ou un burlesque qu'Araki tente peut-être de dénoncer, mais il reste ce côté newage avec rêves prémonitoires, secte super puissante et monde paranoïde. Pris isolément certaines scènes sont très bonnes et disent beaucoup sur le cinéma et l'image qu'il renvoie de la société, sur l'adolescence ; d'autres paraissent ridicules. Le côté "sorcière" dans l'histoire d'amour entre les deux filles peut parler, habilement, de la domination qui peut s'installer dans un couple, mais cela semble tout à coup réduit à un gimmick pour faire monter la pression. Le tout peut aussi faire penser à un paquet de marshmallow de couleurs, sauf que ces marshmallow sont représentatifs de quelque chose que j'ai du mal à cerner et qu'ils dégagent une poésie certaine. Si bien que l'on peut se demander : mais que nous dit Kaboom au juste ? Et s'il nous parlait de comment les adolescents (les jeunes) veulent se voir ?