Gâtechien, 4, Pyromane Records, 2009


Cela fait un bout de temps maintenant que le duo basse batterie de Gâtechien est en scène. 4 groove de manière punk et on navigue tout au long de l'album entre rengaines vite assimilables (qui ne sont pas sans rappeller Nirvana dans la simplicité et les trouvailles mélodiques) et exploration musicale particulièrement riche. La production de l'album, à une époque où l'on lisse tout, est particulièrement bien réussie (1) et ce ne doit pas être chose aisée de capter l'énergie de Gâtechien, de la retranscrire comme ça, il doit falloir passer par tout un tas de leurres, de ceux dont cause Tommaso Pincio dans Un amour d'outremonde (Denoël/Sang d'encre) que je vous invite expressément à lire et dont voici l'extrait en question :

Butch avait lui aussi une certaine idée punk du disque qu'ils enregistraient, il voulait un son authentique et puissant comme celui que le groupe allait chercher quand ils étaient sur scène. Mais pour obtenir cet effet sur le disque, il fallait tout un travail de production : comme doubler quelques guitares, placer un bon paquet de micros et inventer des stratagèmes pour amplifier le volume sonore, pour le transformer en un corps palpitant qui cherche à s'échapper, pour que chaque centimètre cube d'espace disponible soit rempli par l'intensité des vibrations. Il fallait faire sentir que la musique occupait tout l'espace et, pour cela, il fallait recourir à des expédients techniques en général difficiles à concilier avec la sensibilité de Kurt, et Butch faisait toujours attention à ne pas trop insister sur la nécessité de certains artifices du métier.

Ted Niceley (Noir Désir, Fugazy, Girls Against Boy) a débarqué des States pour enregistrer Gâtechien à La Nef d'Angoulême et 4 est un baril de poudre rock que l'on pourra faire péter à loisir.


Photo Gâtechien, Service de Presse Pyromanes Records

Gâtechien, les 3 questions du Dj Duclock et un peu plus.

Dj Duclock : Il y a quelque chose de très libre dans la musique de Gâtechien comme dans celles d'autres groupes du même acabit (Clara, Clara, Battles, Doppler, Cheval de Frise...), une liberté que je suis parfois tenté de comparer à celle du free jazz. Vous semblez issus de la scène que l'on appelle parfois Hard Core, pouvez-vous nous parlez un peu de votre musique et de ses origines ?

Florian (batterie): Je dois avouer que personnellement j'ai toujours aimé (au début du groupe en 2002) la démarche de Cheval de Frise par exemple. Comment allier le hardcore et la folie, liberté, complexité rythmique du jazz.... Par hardcore, je préfere quand même préciser que j'entends une démarche à la Fugazi par exemple. C'est à dire la mélodie intense. Criée mais pas surjouée, la sincérité du sentiment comme dans la chanson Blueprint (Repeater 1990). Ensuite, c'est vrai qu'on a toujours été plus ou moins associés au mouvement math rock (qui est justement le résumé de ces 2 mouvements) mais je ne suis pas sûr que cela soit vrai. On nous compare parfois à des groupes que je ne connais pas et lorsque j'écoute je ne comprends même pas quels sont nos points communs. On reste un groupe de rock qui se sent proche de Nirvana, même si (et Laurent le confirmera) nos anciens morceaux étaient assez complexes.

Laurent (basse chant) : Gâtechien du free jazz !!! hola non l'ami, on en est bien incapables. Pour avoir la prétention de jouer du free jazz, il faudrait déja qu'on sache jouer du Jazz et nous notre truc, c'est le rock. C'est ce qui nous intéresse (pour l'instant). Il y a pas d'apprentissage, juste du ressenti, une bonne dose d'énergie et l'envie de frimer sur scène.

Notre musique parait libre mais au final c'est tout l'inverse, elle est tirée au cordeau et il reste très peu de place pour l'impro. L'enjeu est là, faire une musique structurée mais qui semble être rejouée et réinventée chaque soir. C'est pour ça qu'on répète peu afin de garder la fraîcheur des morceaux, on préfère créer que répéter, c'est plus excitant.

Mais revenons à nos moutons, c'est vrai qu'en Live les gens pensent que mon chant est improvisé grâce aux fausses notes et aux déraillements plus ou moins maîtrisés de mes cordes vocales, et c'est vrai aussi que Flo se permet plus de break sur scène et a un jeu plus free que sur disque mais les morceaux restent les mêmes et surtout avec notre nouveau disque de POP SONG.

Je crois surtout qu'on essaie de se marrer et de se surprendre l'un l'autre, tout en faisant une musique touchante. N'étant que deux sur scène, nous sommes obligés d'être à 100% techniquement et visuellement. C'est peut-être ça qui fait de nous un groupe atypique (enfin c'est ce que les gens disent !!!)

Dj Duclock : Tiens Nirvana, justement en rédigeant la chronique pour l'album 4 je cause de Nirvana avec un extrait de Tommaso Pincio tiré de son bouquin Un Amour d'Outremonde. Nirvana, ça représente quoi pour vous ?

Florian : Alors écoute, je ne connais pas l'auteur du bouquin dont tu parles mais je suis pressé de lire ta chronique ! Nirvana... j'avais 12 ans quand j'ai découvert et je n'aimais pas !!! trop mode à mon goût. J'étais à fond dans Motorhead et Iron Maiden... si j'aime encore les premiers, j'ai honte d'avoir aimé les deuxièmes... et puis ensuite envie de jouer de la guitare... et là Nirvana me parle... le dernier groupe punk alternatif à devenir mainstream, les Stooges des nineties, ils m'ont fait découvrir Sonic youth ! Fugazi ! Pixies ! bref des génies ! un gros son, l'agressivité, l'esprit torturé. Plus que de la musique, pour moi c'était le lifestyle (comme pour tous les ados rock de l'époque). Certains ont changé de groupe à la mode en 94, nous on est restés...

Laurent: Nos parents ont appris à jouer de la gratte avec Jimi Hendrix et Led Zeppelin, nous c'était avec Nirvana et c'est bien plus facile.
Dès que tu savais faire un barré (on appelait ça "les power cordes"), tu pouvais tout jouer le répertoire de Cobain, une pédale d'overdrive boss et c'était parti pour des heures de folie dans ta petite chambre d'enfant. C'est toujours bon de jouer un tube de Nirvana au coin du feu, c'est
mieux que Simon et Garfunkel, non?

Dj Duclock : Oui-da c'est un peu plus proche de nous... Dites voir les gars, il y a trois questions que je pose souvent, pour finir cette interview j'aimerais bien que vous y répondiez, voilà c'est trois questions sont :

Qu'est-ce que vous lisez comme bouquin en ce moment ?

Florian : Et bien connement, offert par ma femme (fiancée, chérie, poulette, meuf...) J'irai cracher sur vos tombes. On en fait tout un flan comme littérature maudite, censurée à l'époque... mais au final... c'est Vian.. des débats géniaux mais hors d'âge... je suis perso beaucoup touché par Bukowski... étonnamment...héhé. Aujourd'hui, le choc de la pensée ne se trouve, selon moi, pas que chez les écrivains.
Dans certaines séries "choc" comme Dexter, Californication, ou Oz, je retrouve une idée universelle. La provoc n'est plus chez les Stones (Rolling pour les intimes) L'écrit nécessite du calme, moi, je n'en ai pas. Lire ? Je veux ! Manque de culture ? Affirmatif... envie de rattraper tout cela ? Sûr !

Dj Duclock : Quel est le disque qui tourne sur la platine en ce moment ?

Florian : 3 choses: BREAKESTRA de la soul californienne faite par des blancs... groove et mélodie !!
THE SEBADOH power pop lo fi 1998. Classe, beau, mélancolie.
GÂTECHIEN 4 je vérifie qu'il est aussi bon que beau, ce nouvel album que je viens de recevoir !

Dj Duclock : Quelle a été la dernière fois que vous avez été surpris par quelque chose ?

Florian : Vous ? Nous ? Gâtechien ? la dernière fois que j'ai été, perso, surpris par quelque chose, c'est la capacité que certains ont à te regarder couler sans t'aider. La facilité que même des amis de longue date ont à te laisser te démerder. J'ai aussi été surpris et jaloux du dernier clip Shoot shoot de STUCK IN THE SOUND. Idée brillante que j'aurai aimé avoir.

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Merci les gars. Un extrait de l'album 4 est en écoute sur le site de Pyromane Records.

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(1) même si, sur certains morceau, j'aurais bien aimé que la voix soit un chouïa plus travaillée et mise en avant.