Paris-Brest avec Tanguy Viel


Après le délire d'un obsessionnel dans Cinéma, je n’ai pas tardé à me procurer le dernier roman de l'auteur. Il se passe toujours quelque chose de particulier avec les phrases de Tanguy Viel. Elles font une musique dont j’arrive difficilement à décrocher. Il ne m’aura fallu qu’une journée pour parcourir ce trajet familial Paris-Brest.

Quand Cinéma, L’absolue perfection du crime ou encore Insoupçonnable faisaient des clins d’oeil aux genres en provoquant une distance (polardeuse, criminelle, cinématographique), le dernier roman de l’auteur nous prend au plus près : la famille. Rien de sensationnel dans le sens spectaculaire, il ne s’agit pas de secrets refoulés ou de drames extrêmes, bien plus de ce poids qu’elle représente souvent. Pour tout l’affect qu’elle suscite et les regards particuliers qu’elle renvoie à chacun, il est difficile de ne pas se sentir concerné par le sujet. Tanguy Viel raconte donc une histoire, celle de Louis, 17 ans. Louis et son pote Kermeur, pas bien vu car d’une classe sociale différente.

Ecoute-moi bien, il a continué, toi tu es d’une famille de droite, disait-il, et moi je suis d’une famille de gauche, et c’est pour ça qu’on s’entend si bien, parce que toi tu n’as pas envie d’être d’une famille de droite et moi je n’ai pas envie d’être d’une famille de gauche.

Louis et son imposante mère. La famille va être perturbée par deux événements : un scandale financier causé par le père, un héritage improbable reçu par la grand-mère. Les parents s’exilent, Louis reste vivre à l’étage en dessous de chez sa grand-mère. Ainsi commence la vie d’adulte et ses choix. S’affirmer ou subir la famille ?

Bien sûr, ce Louis qui veut devenir écrivain pour faire son grand « roman familial » fait penser à Tanguy Viel. On le cherche entre les lignes mais au final ça n’a pas grande importance. On retrouve avec Louis et Kermeur l’amitié tendue qu’entretenait le narrateur de L’absolue perfection du crime avec Marin, le comparse peu recommandable. C’est tout l’univers de l’auteur dans un équilibre parfait. Comme il le disait récemment lors de sa venue au Lieu Unique de Nantes : "mon complexe d'écriture c'est de mettre de la chair". Mission accomplie.

Tanguy Viel, Paris-Brest, Editions de Minuit, 2009, 14 euros, 190p.