Joe Zawinul, Zawinul, Atlantic, 1971



Miles voulait tellement être sur ce disque... Je lui ai dit qu'il était important pour moi de faire ma musique et que le plus beau cadeau qu'il pourrait me faire serait d'écrire un texte de pochette.

Extrait d'une entrevue entre Joe Zawinul et Laurent de Wilde dans Jazz Magazine n°585, Septembre 2007 repris dans l'indispensable Weather Report, Une histoire du jazz électrique de Christophe Delbrouck aux éditions Le Mot Et Le Reste.

L'enregistrement de l'album Zawinul s'est fait en deux sessions : une le 6 Août 1970 pour Doctor Honoris Causa et In A Silent Way et l'autre le 10 Août pour Arrival In New York, His Last Journey et Double Image. Les musiciens changent selon les sessions.

Le 6 Août 1970 Billy Hart et David Lee (batterie) ; Miroslav Vitous et Walter Booker (basses) ; Geroges Davis (flûte) ; Earl Turbinton (saxophone soprano) ; Woody Shaw (trompette) et Herbie Hancock (Fender Rhodes) se réunissent sous la houlette de Joe Zawinul. Pour commencer Zawinul se réapproprie son In A Silent Way qu'il enregistre dans sa propre version. Joe semble vouloir enregistrer les morceaux à la manière de peintures. Il a branché un Echoflex (boitîer d'effets) sur son clavier et se sert de la réverbération du son pour mettre dans l'oreille de l'auditeur un paysage de montagne autrichienne. Le thème est - contrairement à la session enregistrée avec Miles - très appuyé au saxophone soprano. La ligne mélodique nous ramène vers les compositeurs classiques de la période romantique alors que l'accompagnement apporte un étrange effet de distorsion. Comme dans Arrival in New York le morceau qui clôt l'album et qui relate l'arrivée de Joe Zawinul à New York en 1959, la musique essaye de récréer une atmosphère par touche de sons ; une illustration sonore peut-être à la manière des peintres impressionnistes.

Ce concept est encore plus présent dans His Last Journey qui illustre l'enterrement du grand père de Joe par une froide journée d'hiver dans un village montagnard autrichien. Ici chaque musicien doit travailler sur le timbre de son instrument - ce qui rejoint un peu le travail de Morton Feldman - et ne plus se soucier de la rythmique ou de la note. On débouche alors sur un morceau que l'on pourrait qualifier de free jazz.

On est le 10 Août et pour cette nouvelle session, Jimmy Owens a remplacé Woody Shaw à la trompette ; Billy Hart et Joe Chambers sont à la batterie ; David Lee et Jack DeJohnette sont aux percussions ; Hancock garde le clavier. En plus de His Last Journey on enregistre Arrival in New York et Double Image. Wayne Shorter remplace Earl Turbinton, Miroslav Vitous est à la basse pour les 10 minutes et 37 secondes de Double Image. Le Weather Report à venir est presque là... Ambiance free et planante. Miroslav est à l'archet en toute liberté, Zawinul en retrait envoie ses piou-piou from the outer space, Wayne et Woody assurent la ligne mélodique, une sacrée promenade jalonnée par les percussions et la batterie.

L'album Zawinul nous offre un monde musical et on trouve sûrement ici les bases d'une grande partie des albums à venir avec le mythique groupe Weather Report qu'il va fonder aux côtés de Wayne Shorter.

Et voici un In A Silent Way avec le Weather Report