Héritage et Industrie (épisode 1)

Paul Othello, Manufacture
Hammond avait découvert des pointures monumentales, parmis les personnalités le plus fortes de la musique enregistrée - Billie Holiday, Teddy Wilson, Charlie Christian, Cab Calloway, Benny Goodman, Count Basie, Lionel Hampton. Des artistes dont les créations vibraient dans la vie de ce pays - John les avait révélés.
Bob Dylan, Chroniques, volume 1, Athène Fayard, 2005

Je passe mon doigt sur la tranche, même si je ne lis pas le nom de l'artiste ou le titre de l'album je connais le nom de l'artiste et le nom de l'album, parfois je peux réciter les chansons dans l'ordre, je connais l'année et la durée des morceaux, les paroles où tout au moins le sujet quand il y en a un. Sans ouvrir le livret je vois les photos, les anecdotes... Tout cela ne sert à rien tu sais, c'est juste pour le plaisir et la communion.

Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces voix qui se sont tues...

D'aussi loin que je me souvienne la musique est passée, pour moi, au travers du disque et des cassettes. Les concerts ou la guitare au coin du feu de camp sont venus plus tard. Je suis un pur produit de l'industrie musicale. Quand on me parle musique et que je creuse pour atteindre mes premiers souvenirs il me revient en mémoire les jaquettes en même temps que la musique : Steve Warring et La baleine bleue, Pink Floyd et Wish You were here, Lou Reed et Rock n' Roll AnimalThe Freewheelin' Bob Dylan, Pearl de Janis Joplin, In The Heat Of The Night de Pat Benatar, l'Absolutely Lives des Doors, le deuxième album de Malicorne et le coffret de 3 vinyls de Il voyage en solitaire / Comme un guerrier de Gérard Manset, Les Rolling Stones et Aftermath...  Parfois il ne me reste que l'image comme pour Africaine de Lucid Beausonge. Un des souvenirs les plus flous c'est Anne Sylvestre avec des bribes de certaines fabulettes et quelques images aussi fugaces que colorées : Oeil droit ouvre toi, oeil gauche ne te ferme pas, un peu de soleil rentre dans la chambre... Ces disques là ce n'est pas moi qui les ai choisis, comme pour les livres ils sont là autour de moi dans la maison d'enfance. La musique c'est aussi des objets.






Excusez moi monsieur est-ce que vous avez des disques 78 tours ? 

J'ai toujours parcouru les bacs des disquaires avec une certaine fébrilité. Derrière chaque jaquette se trouve souvent un moment de joie ou tout au moins une émotion. Elle peut entrer en résonance avec mon univers. Revoir des pochettes comme entendre un morceau fonctionne comme une communion. Cette communion peut se faire avec une époque ou plus précisément - plus rarement aussi - avec un ou des souvenirs. Elle peut aussi directement te percuter la cervelle et provoquer une émotion ou une envie.



À la pioche !

Ce type de déambulation parmi les produits manufacturés peut être assimilé à une sorte de mort où l'auditeur reste prisonnier de la nostalgie ou de son collectionnisme. Que l'on ne se méprenne pas, il m'est encore possible de construire des souvenirs à venir sur des morceaux à fort potentiel de remontevent. Ainsi Tell Me de Bob Dylan qui a accompagné plusieurs parties de jeux de rôles n'est pas forcément figé dans le temps. L'écoute d'un morceau de musique bien connu ne véhicule pas forcément des images ou un climat venu du passé. Tout dépend de la façon dont on écoute. Le passage en revue des bacs à disques est aussi dirigé vers les découvertes de nouveautés et d'inconnus. La recherche de la pépite en reste la principale motivation. La musique enregistrée, à la manière des livres, n'a de cesse de s'enfler. Cette pépite que je cherche, je la cherche pour moi mais je la cherche aussi pour vous. Le monde parle au monde - les siècles à travers les siècles - et tu ne seras plus jamais seul.



Les autres épisodes de ma vie musicale sur Duclock :
Héritage & Industrie (épisode 1)
Boys Boys Boys (épisode 3)
Musiques et Images (épisode 5)
Premières munitions (épisode 6)
Fin des années 80 (épisode 7)
Place de ma mob (épisode 8)
Solitude et bande originale (épisode 9)
Ce que Nirvana me disait (épisode 10)