Daniel Givone, Nouveau Départ, H.C.N. Production, 2009


Le nouveau disque de Daniel Givone s'ouvre sur un morceau hitchcockien, une course poursuite swing manouche très justement intitulée La Fuite. Le cymbalum apporte une sonorité remarquable - entre le clavecin et le xylophone - et se marie très bien avec les guitares. Sur des morceaux comme Requiem pour Dali la poésie se pointe et quand elle se fourre dans la guitare rythmique, la guitare solo, la basse, le cymbalum et le violon, rien ne va plus et on chavire grave. Heureusement juste après, Nouveau Départ vient nous prendre par la main pour une bonne promenade entre insouciance et souvenirs. L'album emprunte des chemins très surprenants sur Shanta Népal où encore une fois le cymbalum de Mihail Trestian apporte une couleur et renforce le côté chemin de traverse. Sûr qu'on en retrouvera plus d'un qui va siffler le thème de Foréva dès la première écoute... Y a pas à tortiller écouter Daniel Givone et ses musiciens, c'est se sentir vivre alors, bien sûr, ça remue un peu.



Daniel Givone, les 3 questions du Dj Duclock et plus.

Le Beckett's était fermé alors comme on n'est pas à court de ressources point de vue bars à Nantes on s'est mis en terrasse du Clou qui R'ssort et Daniel Givone nous a raconté son album...

Je Notule : Alors question de profane, qu'est-ce que c'est que le jazz manouche ?

Daniel Givone :
Ben en fait le jazz manouche, ce qui se passe c'est que Django Rheinardt dans les années 30 qui est un manouche donc un gitan, il tombe amoureux du jazz parce qu'à l'époque la France était arrosée avec ça, avec eLouis Armstrong. Alors il s'est mis à faire de cette musique. Avant il jouait sur le banjo parce qu'il n'y avait pas de guitare, il accompagnait des accordéonistes et puis il jouait toutes les musiques de l'Est, des musiques un peu Tziganes et à l'arrivée du jazz, il s'est mis à jouer du jazz. À la base ça n'existait pas le jazz manouche, c'était Django Rheinardt qui jouait du jazz en introduisant la culture manouche, la culture musette, la culture des pays de l'Est... il a introduit ça dans la jazz et apporté une couleur particulière. Il joue à la guitare acoustique, la guitare sèche et il a un jeu hypra original... bon un jeu original du fait aussi que sa main a été brulée à l'âge de 18 ans dans sa roulotte, en fait il a eu les deux doigts collés donc il jouait avec deux doigts... toutes les mélodies à deux doigts il est arrivé à développer un jeu et un son original. Dans un premier temps il y a des musiciens qui ont été influencés par lui. Et ce qui s'est passé c'est que comme il était manouche, il a introduit la culture jazz dans la communauté manouche. A partir de là tous les musiciens manouches qui se sont mis à jouer comme lui ont créé le style jazz manouche. Dans ce jazz là on joue le jazz américain, le swing, de la musette, des valses... C'est un genre de synthèse. En fait le jazz manouche c'est le style très original de Django avec les deux guitares acoustiques qui font la rythmique, ce qu'on appelle la fameuse pompe manouche qui remplace la batterie.

Dj Duclock : Moi Daniel, je vais avoir des questions sur les chansons en particulier : Santa Nepal...

Daniel Givone : Santa Nepal ça veut dire Népal en paix. Comme je vais tout le temps là-bas, pendant pas mal d'années j'ai vu ce pays qui était ravagé par une guerre entre les maoïstes et l'armée. Ca pétait de tous les côtés, il y avait des barrages militaires partout, c'était un enfer pour eux. La monarchie, la dictature royaliste est complètement tombée, maintenant c'est les maoïstes qui ont pris le pouvoir et puis bon... on peut toujours dire qu'il faut laisser du temps aux politiques, il faut faire quelque chose. C'est encore pire qu'ici. C'est pourri, il se passe rien, c'est la galère. Ils sont toujours en conflit. Mais si tu veux, au moment où la dictature est tombée ils se sont complètement révoltés. Je me suis dit, enfin, le Népal est en paix, donc j'ai fait ce morceau qui a une influence complètement éloquente du style népalais...

Dj Duclock : C'est clair, musicalement c'est un mariage assez hallucinant. Requiem for Dali...

Daniel Givone : Il y a toujours la référence au peintre. Mais au deuxième abord on avait fait un morceau qui s'appelait Dali et qui venait d'un groupe de rock dans lequel j'ai joué, dont le compositeur était Bertrand Dussolier. Mais là c'est Requiem pour Dali, Dali cette fois-là c'est un petit chat. C'est dur, c'est le deuil. J'ai dit "où est-ce qu'il est le chat ?" j'ouvre la porte et il s'est fait écraser. Je suis super attaché aux animaux, j'ai toujours vécu avec des animaux, c'était la première fois que je vivais avec un chat. Dali ça a vraiment été une perte terrible, avec une douleur pas possible. Et j'ai joué cette musique-là. C'est Simon qui a trouvé le nom. Je lui ai expliqué "j'ai composé cette musique pour Dali. Tu sais quand quelqu'un part, généralement en musique on écrit un truc." Il me dit "requiem". Voilà ! Quand on a joué ça, pour l'anecdote, c'était marrant. On était dans le studio d'un pote, à enregistrer. Lui il était horrible. il disait : "On joue le chat, on joue le chat". La plupart des morceaux, on a tout fait en direct, c'est que des premières prises. C'est vrai que dans la pièce quand on a joué ça, il y a eu une sorte d'émotion.

Dj Duclock : Il y a un instrument, le cymbalum, qui arrive... Est-ce que tu sais un peu l'histoire du cymbalum, d'où il vient ?

Daniel Givone : C'est Mihaïl qui sait mieux que moi. À la base ça vient de l'Inde. Ca fait des siècles et des siècles que c'est arrivé dans les pays de l'Est. Y'en a en Roumanie, en Hongrie, un peu partout. C'est un instrument traditionnel roumain maintenant. C'est comme nous la guitare, c'est Arabe à la base. Le luth arabe... Donc voilà c'est un instrument traditionnel, en Russie, en Moldavie.

Dj Duclock : Je vais te poser les trois dernières questions. Qu'est ce que tu lis en ce moment ?

Daniel Givone : Y'a un bouquin que je suis en train de lire mais que je n'ai pas fini c'est... Défense à Dieu d'entrer, comment il s'appelle déjà l'auteur ?... C'est l'histoire d'un mec qui est devenu moine et qui a fait prospérer l'abbaye avec un truc qu'il a trouvé sur internet, qui a complètement changé de vie, il lui arrive plein de trucs... comment il s'appelle ? Long, Didier Long je crois ! C'est un livre qu'on m'a conseillé.

Dj Duclock : J'essaierai de retrouver. Qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Daniel Givone : Alors là... beaucoup de musique classique. J'écoute de tout. En ce moment Brahms repasse un peu. Je suis dans les symphonies. Mozart aussi. Bach, je suis fou de Bach, de musique baroque. Je suis fou de musique classique, j'adore écouter la musique classique. À côté de ça j'écoute plein de trucs. J'ai même écouté du rap. J'aime bien écouter plein de trucs. J'adore la chanson. Y'a tellement de monde, c'est compliqué... Higelin, Jonasz, Nougaro, tous ces gens-là. Tous les groupes de rock. J'aimais beaucoup Noir Désir. J'aimais beaucoup Téléphone... c'est compliqué...

Dj Duclock : Tu te sers d'Internet pour écouter ou c'est la radio ?

Daniel Givone : Ouais, je me sers d'Internet, la radio un petit peu, aussi. J'écoute de la musique instrumentale, j'aime bien écouter Béla Fleck par exemple, j'écoute de tout. J'adore la musique africaine, indienne, la musique du Népal. Toute une époque, j'écoutais beaucoup de jazz manouche, j'en écoute de temps en temps mais pas pour les mêmes raisons. Ca serait une écoute un peu égoïste, de guitariste. Les albums de jazz manouche que j'écoute pour le plaisir de la musique, c'est pas les mêmes que j'écoute pour le plaisir...

Dj Duclock : De l'écoute !

Daniel Givone : Ouais, de comment dire... on en apprend toujours en musique !

Dj Duclock : Y'a le côté travail qui se met en place aussitôt...

Daniel Givone : Voilà. Il y a une émulation de ce style là, y'a tous les jours de nouveaux jeunes guitaristes manouches qui font très mal, y'en a certains c'est monstrueux style Adrien Moignard, Sébastien Giniaux, ces jeunes guitaristes, j'adore écouter ces gens-là, ça apporte un sang neuf. Mais c'est une écoute un peu, par le plaisir et pour continuer d'apprendre.

Dj Duclock : En partie du travail ! Est ce que tu peux nous dire ta dernière surprise ?

Daniel Givone : Ma dernière surprise c'est une jeune guitariste que j'ai rencontrée à Vénissieux, à Paris l'année dernière. Ca a été surprenant. Les gadjés ont toujours bien joué du style manouche. Y'a Romane depuis très longtemps. Là y'a pas les influences Django. Mais rivaliser avec les maîtres de la guitare, les manouches comme Bireli Lagrène, Angelo Debarre, Tchavolo... C'était pas évident. Ces jeunes-là ils ont passé la barre, ils rivalisent et ça ça m'a complètement étonné. On était peu nombreux en fait à pouvoir croiser le fer avec les grands, avec les grandes techniques. Maintenant ça commence... Et en même temps y'a jamais qu'une seule surprise. Par exemple la grosse surprise que j'ai eu c'est aussi au Népal. J'ai donné des master class là-bas dans des écoles. Y'avait 40 guitaristes, des mecs qui venait de l'Inde, de Katmandou, des régions du Népal, comme s'ils étaient attirés par ce style. J'ai fait 4-5 master class avec eux. Je suis retourné l'année d'après, comme j'y vais tous les ans, à l'école, pour leur dire bonjour... ah la la comment ils jouent les gars. J'ai été surpris, ça m'a mis KO ! Ils ont super bien travaillé.

Dj Duclock : C'est plutôt le pied quand ce que tu fais passes...

Daniel Givone : Ah ouais c'est un grand plaisir, surtout là-bas. Ils ont tellement besoin... On a beaucoup à apprendre d'eux, mais ils ont beaucoup à recevoir de nous.