Les Chères Toxines de Jean-Paul Jody


Voilà un auteur français que l’on range plutôt dans la case polar, bien que son oeuvre franchisse les lignes à plusieurs reprises. Grand voyageur et tenant de petits boulots avant de se lancer dans l’écriture, il laisse beaucoup de son expérience dans ses romans. Y’a qu’à voir cette description des accompagnateurs de voyage dans Chères Toxines.

Tout commence avec Stringer (Actes Sud, Babel Noir), roman noir se déroulant aux Etats-Unis, pays du rêve pour Filo le jeune aspirant cinéaste. A la place, il découvrira la machine médiatique moderne. Original et fort, ce titre est avec le recul mon préféré de l’auteur. Longtemps après l’avoir lu, il en reste une ambiance et des images. Les américains en ont fait un film réalisé par Klaus Biedermann. Jean-Paul Jody, originaire de la région nantaise, place l’action de son deuxième roman entre le Pouliguen, la Baule et Paris. Road movie maritime et citadin, Parcours santé (Actes Sud, Babel Noir) nous fait suivre la rencontre entre deux mondes, deux personnes qui ne se connaissaient que par courrier : une traductrice et un taulard. Il ne serait pas inutile de se replonger dans cette histoire sur fond carcéral vu l’actualité de notre pays. Actualité qui peut parfois donner envie d’aller voir si l’herbe ne serait pas plus verte dans un pré étranger.

Avec La position du missionnaire (Les Contrebandiers Editeurs) voilà un détour par l’Afrique. Ne pas compter sur un joli trip touristique, Jody nous ramène à l’histoire du génocide Rwandais. Massacre qui s’est ajouté à d’autres sur nos écrans télévisés, omniprésent et puis envolé, images balancées, peu d’analyse. A la recherche d’un noir caché en Belgique se mêle l’explication d’un massacre auquel nous n’avons dans l’ensemble pas compris grand-chose. Jody nous donne des éléments, précis et éclairants, sur les enjeux, manoeuvres et responsabilités à l’oeuvre dans cette guerre.

Avec son dernier roman Chères Toxines (Seuil), il poursuit son travail de recherche et balance une belle charge contre les laboratoires pharmaceutiques. « Tu dois négocier avec les pouvoirs publics un prix de vente le plus élevé possible, obtenir un taux de remboursement maximal par la Sécurité sociale et garder le monopole de sa vente le plus longtemps possible. » Il ne faut pas oublier, à ce sujet, de consulter Le mythe du trou de la Sécu, de Julien Duval. On a également droit, avec le voyage des salariés du labo Santaz en Thaïlande, à une immersion plus vraie que nature dans le monde de l'entreprise et des règles qui la régissent. Une nouvelle fois, l’auteur offre des armes pour comprendre les informations qui nous arrivent souvent partiellement, partialement. Une démarche rare, surtout quand elle est bien faite. Car le risque, en analysant une question de société, c'est de renvoyer l'histoire à la périphérie du roman. Jody ne l'oublie pas.
Le festival de Lamballe cru 2008 a été l'occasion de rencontrer le responsable de ces bonnes lectures (que vous pouvez retrouver plus en détail chez PolArtNoir).

Jean-Paul Jody, souriant et disponible

Jean Paul Jody et les 3 questions du dj duclock

Je notule : Que lisez-vous en ce moment ?

En ce moment je lis les bouquins de Jean Hougron, c’est à dire ses bouquins sur l’Indochine : La terre du Barbare, Les Asiates... ils ont refait ça en deux volumes. Enfin... c’est un vieux, ça date. Et il y a toute la partie oeuvre Indochinoise en deux volumes, ça fait 2-3000 pages. Je lis ça. Génial. Il écrit comme un Dieu. C’est un vieux monsieur, tout mort... Voilà.

Je notule : Qu'écoutez-vous en ce moment ?

Jean Paul Jody : En ce moment Neko Case. Genre country américaine avec une chanteuse. Y’a elle et puis, en ce moment hein, Buffy Sainte Marie, un morceau que j’ai trouvé, complètement halluciné. Pas un entier de Buffy Sainte Marie, mais en ce moment c’est ça que j’écoute oui. Et puis aussi La jeune fille et la mort de Schubert, rien à voir. De Schubert ?.. Ouais, Schubert c’est ça.

Je notule : Quelle est votre dernière surprise, la dernière fois que quelque chose vous a surpris ?

Jean Paul Jody : Ca c’est un peu tous les jours. Tous les mercredis chaque fois que j’ouvre Le Canard Enchaîné je suis étonné, choqué et révulsé. Mais la dernière chose... Faudrait que je réfléchisse... Peut-être rien précisément. Parce que je trouve que c’est l’entièreté de ce monde qui est choquant. Tous les jours quelque chose est choquant, et j’ai envie de dire, ne devrait pas être. On est tous les jours confrontés à quelque chose qui ne devrait pas être.

Je notule : Pas de surprise positive ?

Jean Paul Jody : Si, aussi. Le fait de se réveiller en vie chaque matin et se dire je ne vais pas aller bosser pour un patron, c’est déjà une grande joie.