Sécurité sociale, mon amie




PETIT HISTORIQUE

Préambule de 1946 à la Constitution :
“Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité les moyens convenables d’existence.”
Sur le site de la Sécurité Sociale : « La France a fait le choix d’une sécurité sociale protégeant solidairement l’ensemble de la population quelles que soient les caractéristiques d’âge ou de santé des citoyens. C’est l’obligation pour tous de participer et de cotiser à ce socle commun de base qui permet de réaliser une solidarité entre tous. »
L’ordonnance du 4 octobre 1945 a fondé les principes de la Sécurité Sociale.
« Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l'incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d'infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d'eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »

Cette organisation a été voulue et prévue le Conseil National de la Résistance dans son programme daté de 1944 (qui parle également de... pouvoir d’achat), et par le gouvernement provisoire mené par De Gaulle et les communistes (sacrée époque d’ouverture !). Pierre Laroque (Directeur de la Sécurité Sociale en octobre 1944) et Ambroise Croizat (communiste, Ministre du Travail de De Gaulle en 1945) sont les principaux acteurs de cette création.

La Sécurité Sociale est financée par les cotisations des employeurs et des salariés. Plus récemment, elle a été financée par les impôts (CSG, taxes). Elle est gérée par les partenaires sociaux (syndicats et patronat). La Sécurité Sociale, ce n’est pas que l’assurance maladie, c’est aussi la vieillesse, le RMI, le chômage, la famille.


La sécurité sociale et l’approche de Julien Duval

L’analyse des comptes de la sécurité sociale est avant tout un acte politique, selon que l’on met en avant son coût et ses déficits, ou son utilité sociale, et que l’on réagit plus par idéologie que par analyse.
Parler de « déficit » de la Sécurité Sociale c’est utiliser un vocabulaire lié au monde de l’entreprise, premier pas vers un positionnement astreignant la Sécurité Sociale à un chiffre d’affaires et oubli de sa mission originelle de solidarité et de redistribution.

« Les responsables politiques, par exemple, ne cherchent pas tant, dans leur discours, à délivrer des descriptions rigoureuses de l’état du monde qu’à en donner des représentations qui justifient leur action. »

Il existe une vision dominante concernant la Sécurité Sociale, qui occulte beaucoup d’éléments, ou en prend certains pour acquis quand ils ne sont que prévisions (vieillissement de la population, migrations...), occultant la responsabilité et les possibilités de l’action politique pour lui préférer la fatalité.

« Aussi longtemps que cette main-d’oeuvre est abondante, il ne paraît donc pas nécessaire de continuer à payer des salariés que la maladie, la vieillesse ou le chômage rendent inutiles à l’emploi. A bien des égards, les entrepreneurs capitalistes n’ont même aucun intérêt à protéger leurs salariés contre un risque comme le chômage : le chômage facilite la discipline à l’égard de l’employeur et la pratique des bas salaires. »

En 1945 l’objectif politique était différent de celui d’aujourd’hui. Le gouvernement voulait le plein emploi.
« La sécurité sociale se construit en effet en opposition à l’assistance : les prestations distribuées sont des droits issus du travail. On considère alors que, dans une économie de plein emploi, la pauvreté devrait disparaître et, du même coup, les pratiques avilissantes de l’assistance ». Vous avez bien lu, on est passé du vocable « avilissant » à « privilège »...

Le libéralisme, et ce depuis le 19è siècle, a toujours été opposé au système de sécurité sociale ; pourtant elle existe. Car la part du salariat a grandi dans la société, et avec elle les revendications et le soutien au progrès social. On comprend bien également que cette cotisation commune et obligatoire sur les salaires contrarie les entrepreneurs privés tels les assureurs, qui ont vu après la guerre un bout du gâteau leur échapper. Tous les coups bas sont alors employés pour décrédibiliser la Sécurité Sociale : les salariés abusent des arrêts de travail, les assurés fraudent, les salariés préfèrent être au chômage que travailler pour un bas salaire... on voit la persistance de ce vieux discours !

Le système libéral veut ramener l’assurance à une responsabilité personnelle : que chacun paie selon ses besoins (capitalisation). Là aussi on voit bien où cette logique mène. Cette tendance nous vient directement des Etats-Unis et de l’Angleterre qui l’ont appliquée dès le début des années 80. Tout repose là-dessus : déréguler, désengager l’Etat, réclamer la fin des « freins à l’embauche » pour que chaque individu s’assume s’il veut s’en sortir. Ma question : le marché offre-t-il réellement de l’emploi pour tous ? Le marché propose-t-il des salaires décents pour vivre ?

Aujourd’hui, la politique est mise au service de l’économie. On ne parle plus que croissance, prélèvements, compétitivité et chômage au lieu de mettre l’accent sur d’autres indices comme le taux de pauvreté, l’accès à la santé ou encore les inégalités économiques et sociales.

Julien Duval, partant de la Sécurité Sociale, élargi son approche à l’analyse du marché du travail, du libéralisme et des politiques menées. Emplois précaires, travail à temps partiel, chômage de longue durée, tous ces chiffres ont fortement augmenté. Sans compter les chômeurs que l’on a exclu des statistiques. Le plein emploi a disparu au profit de la « lutte contre le chômage », état de fait totalement admis.

Tout ceci provoque une population fragilisée pleine d’inégalités croissantes. Les plus pauvres renoncent à se soigner, la part de l’épargne et du patrimoine diminue chez les classes moyennes, et les « vieux pauvres » aux retraites insuffisantes vont bientôt ressurgir.

Julien Duval n’oublie pas de pointer la responsabilité de TOUS les partis politiques et syndicats, y compris ceux de gauche censés protéger une solidarité menacée et devenus frileux, calquant leur discours sur l’air du temps.

En conclusion, les partis politiques se font l’écho de l’économie en rendant responsable un système qui les dérange ; leur politique appliquée depuis des dizaines d’années ayant pourtant bien prouvé son échec. Les fonds de pension dévoilent (sans surprise) un véritable but de profit boursier ; leur spéculation jette à la rue des retraités ruinés par un système de capitalisation. Sans parler des ménages touchés par la crise des surprimes dans l’immobilier que l’on expulse de chez eux... Chez nous, petit à petit, la protection sociale, et avec elle tout un système de solidarité, s’éteint.
Le discours actuel et la façon d’envisager la sécurité sociale sont peut-être un bon reflet des objectifs que s’est fixé notre société, de ce qu’elle tolère, comprend, et de ce qu’elle rejette.
Qu’une banque perde de l’argent, qu’elle coule par la faute d’une opération calamiteuse, que l’Etat en vienne à mettre la main à la poche, la presse s’agite un peu, les uns et les autres s’offusquent, mais personne ne remet en cause ce système.
Qu’un organisme solidaire ayant pour objectif le bien de tous connaisse des difficultés, et tous lui tapent dessus à l’unisson.
Car tout le monde a intégré, accepté la part de risque liée aux organismes financiers et entreprises privées, devenus pourvoyeurs d’emplois et auxquels il faut donc faciliter la vie sous peine de nous voir compliquer la nôtre.


LES CHIFFRES (rapports de la Cour des Comptes)

Recettes perçues par le régime général en 2006 : 278,4 milliards d’euros.
Dépenses du régime général en 2006 : 287,1 milliards d’euros.
Besoin de financement (terme INSEE) 2006 (trou, déficit...) : 8,7 milliards.
Dette de l’Etat : 5,1 milliards d’euros, remboursés en octobre 2007, mais la dette est repassée à plus d’un milliard.
Exonération de cotisations : 25 milliards en 2007, dont 2,6 milliards non compensés.

On le voit bien, l’Etat a beau mettre des franchises en place, le manque continue de croître... Pour des raisons plus complexes que la simple fraude des assurés ou de leurs dépenses excessives.

En 2007, la CSG capital (revenus de placement et de patrimoine) rapporte 1,1 milliards d’euros de plus que prévu (je n’ai pas trouvé le chiffre global).

Quelques éléments de réflexion que les medias généraux n’abordent pas :

Les laboratoires pharmaceutiques et l’orientation qu’ils donnent à la consommation de médicaments. L’UFC QUE CHOISIR avait fait un dossier sur le sujet, montrant la pression exercée par les laboratoires sur les prescriptions faites par les médecins à leur patient. Cette pression ne va pas dans le sens de l’économie...
Autre cas, la possibilité d’acheter les médicaments dans la stricte quantité nécessaire, comme cela est le cas dans d’autres pays. Cela évite le gâchis de boîtes entamées non utilisées.

Autre point peu abordé, la dette de l’Etat. Celui-ci perçoit les impôts destinés aux caisses de la Sécurité Sociale (CSG, taxes sur l’alcool et le tabac). Une grande partie de ces taxes n’est pas reversée immédiatement reversée, endettant la Sécurité Sociale qui emprunte et paie des intérêts.

L’Etat a également accordé des exonérations de cotisations aux entreprises, afin d’alléger le « coût du travail » (ne pas pouvoir licencier, salaires et charges trop lourds). Ces cotisations ne sont donc pas allées à la Sécurité Sociale. L’Etat en a payé une partie lui-même (à la place des entreprises, donc) et une autre part est restée « à la charge » de la Sécurité Sociale (en les compensant par des recettes fiscales, donc en augmentant la part des impôts et taxes affectée à la Sécurité Sociale).

La Sécurité Sociale est répartie en différentes caisses, qui sont des organismes financiers de droit privé en charge d’un service public, sous le contrôle de l’Etat. Comme pour les Assedic, les employés de la Sécurité Sociale n’ont donc pas le statut de fonctionnaire.

L’Europe attaque de plus en plus la Sécurité Sociale, la qualifiant de monopole.

Pour le reste, ça se passe tous les jours sous vos yeux.

Référence : Le mythe du "trou de la Sécu", par Julien Duval, Raisons d'Agir 2007