Miles Davis, Doo-Bop, Warner Bros, 1992


À 65 ans, Miles voulait faire un album urbain habité par le son de la rue. Mission accomplie. Les raps de J.R. et Easy Mo Bee sonnent maintenant old school, ce qui ne gâche absolument rien à l'affaire, au contraire ; comme les bons blues, les bons flows sont increvables. Un coup d'oreille à The Doo Bop Song devrait convaincre les plus récalcitrants. La trompette est un filet à la fois gras et aigu.

Miles enregistre 6 titres à chaud dans le studio, l'oreille collée aux productions du jeune Easy Mo Bee que Russel Simmon de Def Jam a dégotté pour lui, et quand le son lui plaît il sort sa trompette et pose son flow. Les deux morceaux posthumes, Fantasy avec son sample tiré de Love Pains de Major Lance et High Speed Race où l'on retrouve un sample de Donald Byrd tiré de Street Lady, ne dépareillent pas. Easy Mo Bee a su s'approprier les phrases de trompette du défunt Miles Davis et construire la musique autour de celle-ci.

Si l'album peut fatiguer à la longue c'est sûrement à cause des rythmiques très marquées - notamment la frappe lourdingue et hypnotique de Chocolate Chip - qui peuvent devenir agaçantes. Le traitement rythmique à base de batterie électronique sonne un peu vieillot et désuet tout en étant brut. Cette rythmique qui manque de sobriété ou tout au moins d'issue - on a un peu l'impression d'être enfermé dans une boîte métallique secouée dans tous les sens - peut aussi participer au charme de l'album. La trompette est un instrument plutôt rare dans le hip hop, ou alors sous forme de sample façon cuivre martial... ou langoureux. Ici avec Miles elle est particulièrement bien maîtrisée et toujours à propos, comme si elle avait été depuis toujours un élément du hip hop. Même si à l'écoute de Fantasy ou Duke Beauty on peut soudain se demander si ce genre de morceau n'est pas en partie responsable des affreux avatars lounges sans âme que l'on entend se dévider au kilomètre dans les ascenceurs et les bars branchouilles...


Miles Davis, Doo Bop Song