Mary Shelley, Frankenstein (1818)

La façon d'écrire de Mary Shelley date d'avant le cinéma, il faudrait prendre le temps de réfléchir là-dessus, sur l'apport du cinéma dans la littérature. Pour le style actuel, contemporain du cinéma, les scènes s'imbriquent les unes dans les autres avec un montage cinématographique, un genre de cut up marqué qui permet de sauter d'une scène à l'autre et de faire des ellipses. Shelley ne décrit pas dans l'action, ni dans le dialogue, elle conte une histoire. Ou plutôt quatre récits qui s'enchâssent : celui de R. Walton, celui de Frankenstein, celui de la créature et celui des gens exilés dans la montagne. Plusieurs thèmes se croisent, dominés par une histoire de vengeance : la créature rejetée par les autres parce que différente va devenir mauvaise et se retourner contre son créateur.

Mary Shelley (D/R)


Le livre traite aussi en grande partie du remord, du regret et de la culpabilité "Ô étoiles, nuages, et vents pourquoi me raillez-vous ? Si vous éprouvez un tant soi peu de pitié à mon endroit, détruisez en moi toute sensation et tout souvenir du passé. Laissez moi me vider de ma substance ; sinon, partez, disparaissez et abandonnez-moi dans les ténèbres". Le fléau de la culpabilité, le terrible secret de Frankenstein qu'il ne peut partager avec personne à part le monstre qui le poursuit : "l'agonie du remord empoisonne la volupté qu'on éprouve parfois en s'abandonnant aux excès de chagrin". Frankenstein est un homme détruit : "Hélas je suis un arbre foudroyé, la foudre a frappé mon âme, mais je sentis à ce moment que je survivrais pour illustrer ce que je cesserais bientôt d'être - un exemple misérable d'épave humaine, pitoyable aux yeux d'autrui, intolérable aux siens."

Le livre chante aussi la beauté de la nature (dans la veine romantique) et est quelque peu porté sur le gothique. Frankenstein parle aussi d'occultisme et du mécanisme qui le rend attirant : "Lisant et étudiant avec ravissement les fantasmes déments de ces écrivains, j'avais le sentiment d'accéder à des trésors connus d'une minorité à laquelle j'appartenais." On peut tout de même se demander si les études de ces auteurs ne rentre pas en ligne de compte dans la fabrication de la créature. Quoi qu'il en soit Frankenstein devrait être donné à lire durant les études de médecine, de biologie, de chimie et de physique, car le livre pose la question de l'éthique.

Boris Karlorff dans le rôle de La Créature (D/R)

La musique est présente sous plusieurs formes dans Frankenstein. Sous forme de métaphore musicale : "Il fit vibrer les cordes qui constituent les mécanismes de mon être. Les accords résonnèrent un à un, et bientôt, je n'eus plus qu'une pensée, qu'une idée, qu'un objectif.", de guitare et de chant : "Safie se plaisait aussi à lui chanter les airs divins de son pays". Cette guitare et ce chant émeuvent les gens et la créature au point de les faire pleurer.

D'autre part Frankenstein, le livre - de part les multiples questions qu'il pose, son créateur, sa créature et leurs états d'âme - est devenu un mythe ; l'oeuvre de Mary shelley a donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques plus ou moins éloignées de l'histoire originale. Ces films sont accompagnés de Bandes Originales sur lesquelles on pourra se pencher avec bonheur : Frank Sinner compose pour Son Of Frankenstein dont on parle sur la chronique de Monster Music ; Hans J. Salter & Paul Dessau pour House Of Frankenstein, Franz Waxman pour The Bride Of Frankenstein... En chanson française on le croise dans une chanson de Serge Gainsbourg chantée par France Gall.

Frankenstein par France Gall (parole et musique de Serge Gainsbourg).