Patrouille des forces de l'ordre avec fusil d'assaut à Nantes, 2018 |
Hier à Nantes un jeune homme a été tué par balle lors d'un contrôle policier. C'est un policier qui a ouvert le feu. L'histoire et le traitement médiatique dans ces cas-là est toujours identique. La police tire en état de légitime défense, un membre des forces de l'ordre a été blessé auparavant par la personne abattue, ou alors la personne abattue s'enfuyait. Voire les deux.
Le lendemain, le journal titre sur "Les émeutes au Breil après la mort d'un jeune homme", pour la presse nationale on remplace "Breil" par "quartier". Un syndicat de police précise que le jeune faisait l'objet d'un mandat d'arrêt, que c'était un délinquant ou qu'il avait un casier. Les rôles sont distribués. La suite de l'histoire on la connaît. Comme pour Jérôme Cahuzac (qui ne mettra pas un pied en prison) la justice sera d'une sévérité exemplaire avec celles et ceux qui agissent dans le giron de l'État.
Les politiques au pouvoir condamneront "les violences" en parlant de celles de l'émeute ou des émeutes qui suivront la mort du jeune homme ; qui posera la question de la violence de la police ? De la formation à l'usage des armes ? De l'armement ? Max Stiner (ce n'est pas mon penseur anarchiste préféré, loin de là) l'a écrit : "Aux mains de l'état la force s'appelle loi aux mains de l'individu elle se nomme le crime". Pas besoin d'aller aussi loin, celui qui meurt tué par la police a toujours une bonne raison de mourir, il faut qu'il l'ait cherché d'une manière ou d'une autre. Deux versions "s'affrontent", celle des témoins et celle de la police (un autre article de 20 minutes ici). Au pire comme pour Rémi Fraisse cela sera la faute "à pas de chance" ou à "un regrettable accident". Notons au passage qu'il n'y a toujours pas de procès suite à la mort de Rémi Fraisse où la justice a rendu un "non lieu".
À chaque fois que cela arrive je me souviens du film "Le bruit et l'odeur et quelques étoiles" d'Eric Pittard qui parle de la mort d'Habib Ould Mohammed abattu par un policier à Toulouse en 1998 lors d'une interpellation en flagrant délit de vol de voiture. Il serait bien que tout le monde regarde ce film. Les témoignages qu'il contient sont édifiants.
Nantes est cette ville où plusieurs personnes ont perdu un oeil suite à des tirs de LBD par la police lors d'une même manifestation, c'est aussi pas très loin de Nantes à Notre Dame des Landes qu'un jeune homme a eu il y a peu de temps la main arrachée par une grenade des forces de l'ordre. Nantes c'est une ville qui bouge et qui vit, c'est la ville où je vis, c'est la ville où je veux me sentir bien. Nous rentrions du cinéma hier et nous étions passés voir le campement de migrants, square Daviais, quand soudain, vers 20 heures 30 une sirène de police a retenti et une camionnette de CRS est passée en trombe au rond point de la Rue Lamoricière. Nous nous sommes regardés et nous nous sommes demandé "tiens qu'est-ce qui se passe ?" avec une légère appréhension. Un jeune homme mourrait pas très loin de là où nous habitons. Une chanson me trotte dans la tête.
Me viennent aussi à l'esprit quelques livres et un film dont je partage la liste ici, avec vous :
Pierre Douillard-Lefevre, La larme à l'oeil, Le bord de l'eau, 2016
Cloé Medhi, Rien ne se perd, Jigal, 2016
Dominique Manotti, Bien connu des services de police, Gallimard/Série Noire, 2010
Mauric Rafsjus, La police et la peine de mort, l'Esprit frappeur, 2002
Le bruit et l'odeur et quelques étoiles de plus un film d'Éric Pittard, 2001
Articles sur le sujet :
Homme tué par la police à Nantes : «On a l’impression qu’il y a une envie d’étouffer toute voix discordante» par Guillaume Frouin, à Nantes et Ismaël Halissat, 4 juillet 2018
Emeric Cloche.
Homme tué par la police à Nantes : «On a l’impression qu’il y a une envie d’étouffer toute voix discordante» par Guillaume Frouin, à Nantes et Ismaël Halissat, 4 juillet 2018