Une légère passion pour l'oeuvre de Lovecraft me pousse à lire ces textes en version originale et dans les diverses traductions française. C'est une manière de se rendre compte que nos traducteurs n'aiment pas les répétitions et les point-virgules. Prenons une des phrase de la courte nouvelle Les chats d'Ulthar (Cats of Ulhar, 1920) et comparons.
Zath, the coroner, disputed at length with Nith, the lean notary; and Kranon and Shang and Thul were overwhelmed with questions.
"Zoth, le juge, se disputait à longueur de temps avec Nith, le fluet notaire. Kranon, Shang et Thul étaient pressés de questions." (Paule Pers, 1969). Ici le nom de Zath est changé en Zoth et le point-virgule est remplacé par un point. Deux "et" sautent dans l'énumération "and Kranon and Shang and Thul ".
"Zath, le juge, débattit sans fin avec le notaire, le maigre Nith ; et Kranon, Shang et Thul se virent accablés de questions. (Jean-Paul Mourlon, 1986). Si le nom de Zath est respecté tout comme le point virgule il y a un "et" qui saute. On notera aussi l'inversion des mots "Nith" et "notaire".
"Zath, le médecin légiste, débattit à n'en plus finir avec Nith, le notaire maigrelet. Kranon, Shang et Thul furent assaillit de questions". (David Camus, 2010). Le Coroner est devenu un médecin légiste, le point-virgule et la répétition des "et" ont sauté.
Sur quelques phrases les choix de traduction se font plus clairs.
When through some unavoidable oversight a cat was missed, and sounds heard after dark, the loser would lament impotently; or console himself by thanking Fate that it was not one of his children who had thus vanished. For the people of Ulthar were simple, and knew not whence it is all cats first came.
"Lorsque, à la suite d'une imprudence, un chat disparaissait et que l'on entendait dès la nuit tombée les bruits étranges, il ne restait plus à son maître qu'à se lamenter, ou à se consoler en remerciant le destin que ce ne fût pas l'un de ses enfants qui eût disparu. Car les gens d'Ulthar étaient simples. Ils ne savaient pas d'où les chats étaient venus." (Paule Pers, 1969).
"Quand une fatale négligence entraînait la disparition de l'un d'eux, et que certains bruits se faisaient entendre dans la nuit, le possesseur de l'animal se lamentait, impuissant ; ou se consolait en remerciant le Destin que l'un de ses enfants ne se fût pas éclipsé de la même manière. Car les habitants d'Ulthar étaient des gens simples et ne savaient même pas ce qu'il advenait des chats." (Jean-Paul Mourlon, 1986).
"Quand par malheur un chat disparaissait et que des bruits bizarres déchiraient la nuit, son maître se contentait de se lamenter, impuissant, ou se consolait en remerciant le destin que le disparu n'ait pas été l'un de ses enfants. Car les habitants d'Ulthar étaient des gens simples et ne savaient rien des origines des chats." (David Camus, 2010).
Il y a sûrement autant de traductions qu'il y a de traducteurs. Parfois le sens du texte semble légèrement changer, ailleurs le découpage en paragraphe de la version originale n'est pas respecté. Tout cela me rappelle un des instants Lovecraft de François Bon où - pas content - il aborde notamment le point-virgule chez Lovecraft.