Bertrand Nébal Bonnet blogue régulièrement du côté de Welcome To Nebalia. Aujourd'hui il se souvient de Ministry...
Je devais avoir quinze ou seize ans. C'était l'époque où j'écoutais plein de rock indé, mais commençais aussi à me mettre au metal, un peu au pif. Je m'étais pris en pleine face "Antichrist Superstar" de Marilyn Manson, un album qui a beaucoup compté, et m'a fait découvrir (par le versant commercial et carnavalesque, certes) cette chose bizarre qu'on appelait (à ce que j'avais compris) "metal indus". J'avais chopé quelques noms ici ou là, et en premier lieu Nine Inch Nails bien sûr (même si ma découverte du projet de Trent Reznor, certes fascinante, s'est faite par la face nord, avec "Fixed", les remixes parfois ardus de "Broken" - occasion de découvrir également Coil et Foetus, en même temps). Mais il y avait aussi ce nom qui m'intriguait : Ministry.
Un beau jour (forcément), en fouinant chez mon revendeur de pirates et compagnie, je suis tombé par hasard sur la VHS (c'était une autre époque...) "In Case You Didn't Feel Like Showing Up (Live)", et ce fut mon premier véritable contact avec le groupe d'Al Jourgensen et Paul Barker. Et une baffe colossale. Dès l'intro de "Breathe", avec ses deux batteries, j'ai été conquis.
Mais je crois que la véritable révélation, quelques morceaux plus tard, ce fut cette superbe version live de l'interminable et merveilleux "So What". Voilà : un groupe qui mêle les machines et les "vrais" instruments, déjà, ça m'a parlé (et ça reste une chose que j'adore et recherche aujourd'hui) ; les deux batteries aussi ; faire un morceau de pas loin de 12 minutes avec un unique riff de basse tout con, je vous raconte même pas ; l'énergie phénoménale dégagée par ce groupe, qui venait de l'electro-indus, était passé par le punk et se dirigeait l'air de rien vers le metal, c'était la combinaison parfaite. J'aimais tout, chez ces guedins qui jouaient derrière une grille.
A tel point que, parce qu'on est con quand on est jeune, des fois, j'ai voulu faire mon petit rebelle adolescent en adoptant la coupe de cheveux de Jourgensen (on le voit à peine sur cette vidéo), alors mon idole : mes cheveux longs "d'un seul côté de la tête" m'ont valu un temps une réputation de néo-nazi profanateur de sépultures (c'était l'époque...). Fail.
Mais mon adoration pour Ministry n'en a pas souffert. Je me suis rapidement procuré tous leurs albums, et me suis régalé, notamment, de l'inégalable trilogie "The Land of Rape and Honey", "The Mind is a Terrible Thing to Taste" et "Psalm 69". Alors oui, pendant longtemps, Ministry a été pour moi le groupe ultime, le projet dans lequel je me reconnaissais le plus, ce que j'avais envie de faire aussi de mon côté (sans jamais réussir ; il faut dire que Ministry a été souvent copié, mais jamais égalé...).
Aujourd'hui, Paul Barker a quitté Ministry (son dernier album était le sous-estimé "Animositisomina"), et Al Jourgensen, après avoir fait du sous-Slayer efficace et rigolo mais qui ne cassait que rarement des briques, s'est enfermé dans le rôle pathétique d'un bouffon pseudo-indus qui fait sonner le tiroir-caisse à grands renforts de "dernières" tournées et d'albums live qui vont avec. Lamentable.
Mais il y a eu le grand Ministry. Bordel. Le plus grand groupe du monde et de tous les temps, vous dis-je. C'est juste que c'est moche de vieillir.
Et puis "it's not our fault if we were born too late"...