Et un avion se pose sur la piste (Sidonie se souvient de cet air).


Sidonie a été libraire pendant 20 ans et a été nommée Miss Collector grâce à quelques éléments de sa bibliothèque.
En ce Dimanche de Décembre Sidonie se souvient de cet air...


Mon cousin Florent m’avait demandé : « A part lire tes bouquins, t’écoutes quoi comme musique, toi ? »
A cette époque-là, j’entendais par-delà les murs en lambris de ma chambre, Michel Fugain d’un côté, Ferré ou Brassens de l’autre.
Même devant mon cousin, la timidité l’emporta, et je n’ai pas su quoi lui répondre.
Grâce à lui, j’entendis un jour d’hiver les moteurs d’un avion en plein atterrissage.

On est en 1981. J’ai 14 ans. Les élèves du collège Parc ar C’hoat (Finistère) se retournent en se marrant sur les perles de couleurs que j’ai accrochées aux lacets de mes Clarks. Je m’en fous. Je cache mon cafard derrière une écharpe tricotée pendant l’été. Mon quotidien s’étire invariablement entre le car de 7h30, le chahut des cours de musique, la salle d’EMT mal chauffée, la claudication du prof de maths, la barbe du prof d’histoire et les sourcils froncés de la prof d’allemand quand elle relance le magnéto à bandes…
A la sortie du collège, je traîne les pieds le long du chemin de terre pour rejoindre le car de 17h30 après l’heure de perm. Le chauffeur, ancien agriculteur reconverti, nous attend, le coude appuyé sur le volant. On entend vaguement une radio crachoter la nouvelle vague. Je prends alors « Océans » d’Yves Simon dans le cartable. Les pages tournent et les virages s’enchaînent. Mal au cœur…Parfois quand il fait assez chaud pour mettre une jupe, le sky des banquettes colle aux cuisses, mais l’odeur du sky, elle, c’est toute l’année et je m’en souviens aussi…
Et puis donc un dimanche soir, Florent arrive à la maison. Il va rester chez nous quelques jours. Il est mon aîné de 15 ans. C’est bizarre il n’était jamais venu, comme ça, tout seul en hiver. D’après les commentaires à table, il s’est fait une fiancée cet été. Et la fiancée, c’est Marylène, la fille de l’épicière, et la meilleure copine de ma frangine. Je comprends alors pourquoi, le nez collé aux carreaux, je le voyais partir à toute berzingue, vers le port, dans sa BMW. Je n’étais jamais montée dans la BM, mais je savais qu’elle carburait au gaz.
Quand Florent me dit : « Cousine, cette semaine, c’est moi qui viens te chercher à la sortie, si tu veux ? »…j’acquiesce timidement.
C’est de la routine que surgissent les plus belles surprises. Ce lundi soir-là, dès la sonnerie, je cours le long du chemin de terre vers la sortie. Les perles de mes Clarks s’entrechoquent et sur le parking, la BM et mon cousin m’attendent. Ca sent le cuir à l’intérieur, la clope aussi. Et quand il démarre, il pousse la cassette dans le lecteur et un nouveau son me fera enfin décoller : les réacteurs d’un avion qui atterrit.

Le lendemain soir, à l’heure où les étoiles ne se cachent plus, il me faisait découvrir l’émission Feedback de Bernard Lenoir avec son générique explosif à la Van Halen… mais ça c’est une autre histoire…