Jeff Airson se souvient des autocollants verts...
Un jour j'ai eu 14 ans et déjà je libérais Mandela. On avait de beaux autocollants verts fournis par le Parti Communiste et déjà on nous disait que les communistes ça servait à rien. Les communistes, mon enfant, ça libérait Mandela. Je m'en foutais un peu, je prenais plaisir à mettre des autocollants partout, faisais signer des pétitions que personne ne signait parce qu'au collège personne ne signe.
Quand j'ai pu faire un exposé "thème libre" j'ai choisi l'apartheid. Pan. Le prof m'a dit : "c'est très bien mais vous auriez pu diversifier vos sources" : y'avait que des coupures de presse tirées de l'Huma et Révolution (l'hebdomadaire culturel des cocos de l'époque) parce que j'en trouvais pas dans Ouest France, c'était pas faute d'avoir cherché.
Le 11 février 1990, je ne suis pas allé au collège. J'ai attendu la libération du combattant de l'ANC, devant le poste, en direct, j'y avais droit, j'avais combattu pour ça. Je l'ai vu sortir, poing levé et souriant, un peu comme un papi qui sort faire son marché mais c'est rare qu'il y ait autant de gens pour t'accompagner faire ton marché. C'était un jour exceptionnel.
Déjà je me souviens avoir pensé que tous ceux qui se félicitaient de la libération de Mandela, on ne les avait pas beaucoup entendus avant, ni vus se bouger le cul pour mettre des autocollants dans la salle de perm ou faire signer des pétitions. On avait fait le boulot pour eux, pour que Bilalian nous annonce avec sa morne transcendantale, qu'enfin, il était temps, Mandela était un homme libre. Vois-tu, même les communistes, parfois, ils pouvaient avoir eu raison avant Bilalian mais ça, Bilalian, jamais il le reconnaitrait.
Tu me diras que moquer Bilalian c'est tirer sur une ambulance. Allez, disons que ce soir est un grand soir, l'ambulance, j'y crève juste les pneus.
D'ailleurs on s'en fout.
Hollande m'a pas invité à aller aux obsèques de Mandela en Falcone. Je crois que j'aurais décliné l'invitation quand même. J'ai la victoire orgueilleuse : je ne la partage qu'avec les frères d'armes.
AMANDLA, CAMARADES !
Jeff Airson