Bruno Piszczorowicz, passionné de cinéma et de musique est bibliothécaire et participe au site Culturopoing. Il nous livre aujourd'hui un souvenir musical...
Au petit jeu du « je me souviens de cet air » il me revient dans l’oreille les souvenirs musicaux des premières années, ces chansons entendues le plus souvent à la radio, le plus souvent le week-end, le plus souvent sur RTL. Fatalement donc des pièces de variété qui encore aujourd’hui s’avèrent pour moi plus que des trésors. Ce sont des titres fédérateurs « Le Sud », « Les Mots bleus », « L’été indien », « Quand j’étais chanteur », ce sont aussi de plus segmentants comme « Du côté de chez Swann » ou encore l’indéfendable « Gentil dauphin triste ». Des tubes évidemment puisque diffusés sur la radio la plus écoutée de France, qui-plus-est le dimanche matin. Quelques vinyles m’attendaient pourtant non loin du poste de radio, ceux de mes parents, mon père plus précisément. Mon père fut brièvement guitariste de bal au tout début des années 60, le temps pour lui d’apprendre à l’oreille quelques perles pour mieux faire danser la jeunesse seine-et-marnaise sur les tubes des Shadows ou des Animals par exemple. Le temps aussi de se constituer ainsi un petit patrimoine vinylique en guise de legs de sa jeunesse, une poignée de disques rangés sous l’amplificateur et qui n’attendaient finalement que moi pour reprendre vie.
La radio avait une place à part durant ce début d’enfance mais tout changea le jour où on m’offrit la platine vinyle/radio/ampli/K7 (il existait ce genre d’engins alors), attirail appelé à m’accompagner une large partie des années à venir. Entre deux achats mendiés à mes parents (des 45T, dès que possible, partout, tout le temps) je pus alors croquer dans la collection parentale de 33T (peu finalement de 45T sinon Henri Salvador, Charles Aznavour, un Beatles, quelques autres mais guère plus) afin d’apaiser mon féroce appétit musical. Il n’y avait pourtant pas là matière à émerveillement : L’intégrale du Big Bazar de Michel Fugain, des disques de Coluche (dont je connais cela dit aujourd’hui encore par cœur ses sketches du moment) mais aussi un double best of des Beach Boys et diverses autres compilations dont quelques-unes improbables (cet enchaînement incertain de l’une d’entre elles « El Condor Pasa » par Simon & Garfunkel puis « Pop Corn » d’un dénommé Gershon Kingsley) et certaines thématiques, majoritairement dédiées à ces fantastiques années 60. J’en écoutais une en particulier quasiment en boucle, des semaines et mois durant, y revenant régulièrement, « Sound of the Sixties » dont je me rappelle encore chaque enchainement (hop la version lente de « Be Bop a Lula » de Gene Vincent puis «Apache » des Shadows avant « Daydream » des Wallace Collection et un étonnant Anthony Quinn chantant « I love you »). Mais j’ai surtout en mémoire un morceau précis, un titre emblématique d’un groupe lui-même maître-étalon de la musique populaire d’alors, cet âge d’or incontesté des musiques populaires que furent les années 60.
Les Beach Boys.
Les Beach Boys et « Good Vibrations ». Pas plus de quatre minutes mais l’impression du double, deux à trois morceaux en un, chaque passage plus beau encore que le précédent. Aucune compréhension alors des paroles, aucune connaissance bien entendu de l’esprit malade de Brian Wilson, aucune connaissance même de la salutaire course au chef d’œuvre que celui-ci avait entrepris dans l’espoir de rattraper puis dépasser ses amis Beatles, rien sinon l’essentiel, quelques notes de musique, deux à trois voix qui se mêlent et des arrangements bouleversants, cette sensation que je n’écoutais pas là une pièce comme les autres mais quelque-chose de plus essentiel encore, aujourd’hui encore une perle parmi les perles. Le poète (Gaston Puel) a dit « Ah jeunesse, éternel été ! », la musique des Beach Boys et plus encore celle de leur mirifique époque 1966-1967 en est la bande-son, à jamais.