"Fréderic Andrès est né un vendredi 13 le 6 mars 1967. Il est lecteur comme d'autre écrivain. Poète pour être quelque chose. Buveur pour le supporter. Amoureux pour vivre. Et désabusé par peur de l'espérance. "
La musique qui m'a vraiment bouleversée, ce premier refrain entêtant qui a modifié ma vision du monde, me faisait errer à l'arrière des voitures dans le vague du paysage où je m'imaginais héros d'une quelqu'une encore peu définie, incertaine figure bercée aux rythmes lancinants de cette longue plainte, est une musique d'Ennio Moricone. Je m'étais acheté la K7 avec mes économies, couverture rouge, où trônait le Magnifique Belmondo armé d’un gun aussi fier qu'une érection.
Chez mes parents, il n'y avait qu'un pauvre pick-up, acheté dans leurs jeunesses et qu'ils n'utilisaient plus depuis fort longtemps. Quelques vinyles, une dizaine tout au plus, Nana Mouskouri, Serge Lama, un trompettiste pilote du concorde. Bien sûr il m'est arrivé d'en écouter quelques bribes, mais la musique du Professionnel était la mienne. J'en étais l'inventeur comme disent les chercheurs de trésors. J’ai, tant de fois, écouté cette K7, la rembobinant inlassablement vers le premier morceau, une sorte d'adagio de violon pimenté par des pics d'aigus qui accrochaient l'oreille, qu'un jour la bande magnétique s'est déroulée dans le magnétophone.
Puis un autre jour, de publicitaires inspirés utilisèrent ma musique dans une réclame vantant les mérites nutritifs d’un aliment pour chien, Royal Canin, je crois. J'avais un peu le sentiment qu'on me chiait dessus, qu'on bradait cette muse sonore, cet élixir à phantasme.
Plus de musique. N'empêche, il m'arrivait, et m'arrive encore, de me rêver, même à l'aube de la cinquantaine, à la frondaison de l'écume (chuis normand) où sur la cime d'une dune, rêvant encore d'une quelqu'une au visage incertain, qui me regarderait avec une émotion identique à celle produite dans mes jeunes années par cette triste mélodie. Elle court sur le plage, et moi, nu, la poursuivant, je lui lance des croquettes.