Jeff Airson habite Toulouse et ce matin ses voisins ont été forcés de déménager.
Depuis ce matin, expulsion en cours à côté de chez moi. La préfecture, quelques bus de CRS, un homme à caméra qui filme et filme et filme, un CRS planté tenant son Flash Ball tendu vers le portail, quelques gens très affairés qui font les importants, un flic plus gradé que les autres qui mène tout ça avec le sentiment du devoir s'accomplissant, les rues alentour bloquées. Puis les familles avec enfants qui sortent qu'on met dans un bus, le bus qui s'en va, un dernier petit salut aux voisins. La petite fille m'a fait au-revoir, son père également, avec un grand sourire, de ces sourires qui sont censés vous remonter le moral. Ils vont être logés à l'hôtel, je crois. Nous là-dedans, on a regardé, constaté, observé. Que les flics et les "déménageurs" parlent de leur weekend en se marrant, font le sale boulot dans une ambiance bon enfant, pour eux c'est un matin d'été comme les autres.
Accompagnant au bus mon amie, je rentre chez moi en passant sous le cordon des flics. Le type en faction me demande où je vais. Chez moi, je lui dis. Il me répond qu'il n'en sait rien, qu'il ne me connait pas, que je ne me suis pas présenté. Il me dit "Bonjour" en insistant, comme on ferait à un enfant auquel on se serait mis en tête d'apprendre la politesse. Je lui dit que moi non plus je ne sais pas, qu'on ne m'a pas plus expliqué à moi pourquoi il y avait un cordon qui barrait ma rue, que moi je lui avais expliqué que je vivais au bout de la rue, comme si moi je devais me justifier. Je tends le bras vers nulle part et lui dis : là-bas, j'habite là-bas, à côté de là où vous mettez les gens à la rue. Je tourne le dos et me casse. Il me crie "au revoir", comme on le ferait à un petit enfant auquel... etc.
Ils vont mettre un vigile dans le squatt récupéré. Il va en chier lui, tout seul là-dedans, en attendant la relève.
Ça va être nos nouveaux voisins.
Nos voisins les vigiles.
Le temps de la colère et puis je me connais, si je les croise je leur dirai "bonjour" comme on le dirait à n'importe quel voisin. On parlera du chien à muselière, du métier, du temps qu'il fait, de celui qui passe, des conditions de travail, etc. Va savoir comment et pourquoi, chez moi l'humanité reprend toujours le dessus.
Sale journée.
Jeff Airson.