Oh Show Me The Way... (Leonard Taokao se souvient de cet air...)


Léonard Taokao est écrivain, ses livres Carabistouilles Fiction et Mauvaise herbe sont disponibles chez Territoires Témoins "Borderline". Aujourd'hui il nous emmène en pologne à l'époque où le franc existait encore...

C'était au cours de mon année de première au lycée, nous étions partis en voyage "scolaire" dans une magnifique contrée nommée : Pologne. Échange bidon avec un lycée de Poznan où chacun était hébergé chez un correspondant ayant choisi, pour je ne sais quelle obscure raison, l'apprentissage du français en deuxième langue. A l'époque, la monnaie nationale était encore le zloty et on héritait d'une brouette d'argent à chaque fois que l'on changeait 100 francs. On était jeune, on était beau, on était riche, on était surtout con et la Pologne s'offrait à nous comme une pucelle craintive mais intéressée. 

Notre principale activité pédagogique résidait dans le fait de se bourrer la gueule du matin au soir et accessoirement draguer de la polonaise. Notre pêché mignon de jeunes gauchistes écervelés était d'expliquer aux autochtones, dans un anglais aussi pourri que celui de Sarkozy, que le communisme était une bonne chose et qu'il n'avait connu qu'un ersatz autoritaire perverti, aux antipodes de ce magnifique idéal... Le soir, sans doute fatigué par tant de conneries débitées à la minute, je rentrai titubant, saoul comme un polonais, accompagné de ma correspondante dans sa banlieue pourrie infestée par des skins néo-nazis. Une fois allongé sur mon lit, j'attaquai le rituel du soir, à savoir saisir un vieux baladeur de fabrication est-allemande ainsi qu'une cassette pirate des Doors qui trônaient sur le bureau. 

 Ce qui, pour moi, était une véritable découverte au vu de ma culture uniquement basée sur le punk et le rock alternatif. Je me surprenais donc tous les soirs à écouter "Alabama Song" en boucle au rythme des rembobinages de cassette pratiqués à l'aide d' un stylo afin de préserver les piles. 

Ce morceau n'est certes pas mon préféré mais il a le don de me rappeler une époque révolue dans laquelle j'avais encore des cheveux et où le mot espoir faisait encore partie de mon vocabulaire. Ce fut de plus, sans mauvais jeu de mot, une véritable porte d'entrée sur la musique des seventies qui, aujourd'hui, m'accompagne toujours durant mes phases mélancoliques.