Léo Ferré chez lui en 1976 (MUUS/SIPA) |
Harry Belane tient un coin qui s'appelle PULP sur la toile. C'est le genre d'endroit où il fait bon déambuler pour se remettre quelques morceaux de musique dans les oreilles. Je ne sais pas si c'est le temps qu'il fait, ce printemps déguisé en automne, mais Harry à pris le temps de venir nous faire part d'un de ses souvenirs musicaux.
On éclusait le dernier whisky accompagné d’une mousse bien amère. Le bar à Ber ça ressemblait au Barfly de Bukowski. Un repère improbable où se mélangeaient : vieilles putes, junkies repentis, alcolos mondains, ivrognes absolus, un peintre fasciné par Roswell et nous.
D’un revers de la main, Bernard envoyait valser les coques de pistaches éparpillées sur le comptoir, se retournait vers le tourne-disque et Léo Ferré prenait possession du bar. Les premières notes annonçaient inévitablement la fermeture. L’heure et les arrêtés préfectoraux, Ber s’en balançait, « La mémoire et la mer » fixait la fin de partie. Et ça tout le monde l’avait intégré.
Alors on sortait dans les rues crasseuses de la Plaine et le néon jaune « Bar à Ber » claquait d’un coup sec dans la nuit noire.
Cette chanson, je l’entends chaque fois que je repasse devant ce bar qui s’appelle maintenant le Baraki. L’intérieur n’a pratiquement pas changé, la clientèle non plus. Le Baby-foot a disparu comme la tringle de six mètres de long où on a tous oublié une veste, un pull, une écharpe. Même si je sais qu’il a claqué il y a des années à cause de ses poumons de flanelle, je jette toujours une œillade indiscrète pour voir si je ne revois pas Ber derrière le comptoir. Je n’oublierais jamais ce vieux chien des mers qui fixait le tarif des consos en fonction de nos discussions où la simple mention de Coltrane suffisait à tripler le prix d’un Crown Royal. Miles Davis pouvait revenir très cher aussi. Alors fallait trouver le bon argument, Duke Ellington et Jerry Roll Morton nous ont sauvé d’additions aussi salées que la Mer Morte.
Avec le répertoire de Ferré, on frôlait l’Open bar…
Avec le répertoire de Ferré, on frôlait l’Open bar…