"Danny m’a demandé qui j’avais écouté ces derniers temps, j’ai répondu : Ice-T. Ça l’a surpris et ça n’aurait pas dû. Quelques années plus tôt, Kurtis Blow, un rappeur de Brooklyn qui avait fait un tube, The Breaks, m'a invité à jouer sur un de ses disques. C’est lui qui m’a familiarisé avec eux : Ice-T, Public Enemy, N.W.A., Run-D.M.C. Ces mecs-là ne sont pas là à raconter des craques. Ils tapent dur sur leurs caisses, ils repoussent les limites, ça n’est pas demain qu’ils vont se calmer. Tous sont poètes et ils savent lire dans le vent. Un jour ou l'autre, il y en a un qui va foncer, un qui connaît ce monde-là, qui aura vraiment grandi dedans... celui-là le portera et l'emmènera plus loin. Il aura la tête nette, coupe à l'horizontale, et du pouvoir dans la communauté. Il trouvera d'un seul pied la corde tendue sur l'univers, et on saura que c'est lui - parce qu'il n'y en aura qu'un. Le public le suivra, et ce n'est pas moi qui lui reprocherai quoi que ce soit. La musique que nous faisons, Danny et moi, est dépassée. Je ne le lui ai pas dit, mais c’est honnêtement ce que je pensais. Ice-T et Public Enemy ouvraient la voie, un nouveau monstre de scène apparaîtrait, et il ne ressemblerait pas à Presley - il ne roulerait pas des hanches en regardant les minettes. Il travaillerait dix-huit heures par jour avec des mots cassants."
Bob Dylan, Chroniques, volume 1, traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre, Librairie Athène-Fayard, 2005