Photo : Médéline le soir, par Emeric Cloche |
C'était dans mon penthouse du garage, dans la grande baraque que ma mère louait à Romans-sur-Isère. J'ai dormi quelques temps dans une piaule à plancher en haut (avec mon petit frangin qui dormait dans le placard mural ; une fois, il a dit à sa maîtresse, en maternelle, qu'il dormait dans le placard, son grand-frère dans le garage, que son père était mort ; l'autre a convoqué ma mère mais elle n'a pas appelé la DDASS). On a fait des travaux et j'ai rejoint mon grand frangin dans le garage. J'ai la patience génétique : j'ai attendu quelques temps mais j'ai eu bien mieux que lui, une grande chambre avec de grandes fenêtres genre atelier et vue sur le jardin. Le vieux lit de ferme installé, sur la moquette grise, bien rase, j'ai monté le meuble vitré, un truc en agglo noir et vernis, j'ai assemblé la chaîne Hi-Fi, l'ampli, c'était du matos vieille école, du lourd, le mec de ma mère (l'expression exacte est parâtre mais elle est inadaptée en l'espèce, c’est moche, ils vivent depuis quasi 25 ans ensemble même s’ils ont déménagé séparément une dizaine de fois, il m’a élevé par morceau), bref, D. m'avait prêté tout ce qu'il fallait, le lecteur CD et tout. J'ai saisi un CD, une pochette rouge, avec le dessein d'un type dessus, des cheveux un peu bleutés (dans mes souvenirs ; je vais vérifier sur Google ; c'est ça, je me souvenais plus de la superposition des visages, mais un peu bleutés), et je l'ai inséré dans le lecteur. J'ai entendu un son strange, comme une chatte en train de baiser. C'était Bad Scene, de Ten Years After. J'ai dansé, tortillé du cul, j'ai mis des coups de pieds à l'air. Ça m'a semblé naturel, comme un besoin. J'avais hésité avec un autre CD, un double-CD même, de la musique de film, avec un dauphin dessus, un film qui a marqué ma génération (c'était d’Éric Serra et je vais pas regarder la pochette sur Google). J'ai monté le son et je me suis enfilé l'album. Synthèse de ma culture musicale : je n'en ai pas, peu. Mais par hasard, Alvin Lee m'est tombé dessus. Et plus de vingt ans après, ça reste une tuerie émotionnelle.