François Hollande et Ali Bongo à l'Élysée (Juillet 2012) |
Les lignes bougent en Afrique et dans les pays arabes mais la politique étrangère de la France ne semble pas changer sur le fond. Pour l'instant, le discours sur l'Iran et la Syrie est pratiquement le même sous Nicolas Sarkozy que sous François Hollande ; reste à savoir quelles vont être les actions. À part le Parti Communiste et quelques voix dissonantes au sein des députés, gauche, écologiste et droite ont voté l'intervention et la continuation de la guerre en Libye lors du dernier gouvernement (Jean-Luc Mélenchon soutenait aussi cette intervention).
L'opinion publique - puisque c'est ainsi que l'on nomme le peuple qui ne serait qu'un dans sa majorité et sa façon de penser - ne veut plus de dictateurs, ni dans les pays lointains (tout au moins pour les pays que la presse met en avant), ni à l'Élysée et François Hollande en avait fait la promesse dans l'un de ses discours : « Moi président, il n’y aura pas de dictateurs reçus à l’Elysée ». Peu de temps après cette déclaration et une fois président, le premier chef d'État Africain invité à l'Elysée fût Ali Bongo.
La promesse de François Hollande lors de la campagne électorale est impossible à tenir. Ici, la différence entre le discours et l'action est claire et va à l'encontre de ce que le peuple souhaitait. Mais la politique internationale d'un pays est-elle compatible avec la démocratie au regard de la complexité stratégique et de la construction des alliances diplomatiques qui se font souvent sur le long terme même si elles se défont avec une confondante rapidité dans certains cas ? La question se pose et la réponse semble avoir été choisie par nos gouvernants, choisie du côté de l'action tout au moins puisque le discours continue à répondre à l'opinion publique. La question peut-être plus précise : à l'heure actuelle, est-il possible que la politique internationale du pays soit décidée par le peuple ?
Dîner à l'Élysée en Décembre 2010 |
La plupart des médias dominants traitent de la même façon les thématiques internationales. Comme pour la guerre en ex-Yougoslavie, les méchants sont bien définis et les nuances sont rares. La complexité des relations internationales et de leurs enjeux sont-ils bien perçus par l'ensemble des personnes qui réclame la tête d'untel ou la non venue d'un autre ? La politique n'est-ce pas discuter avec l'autre ? Il me semble qu'il n'est pas gênant qu'Ali Bongo ou Bachar El Assad soient invités à l'Élysée : ce qui compte c'est ce qui est dit durant ces discussions (les sujets abordés) et les actes qui en découlent.
On le voit, le discours politique suit souvent l'opinion publique, les actes, eux, ne sont pas toujours et même rarement en adéquation et restent du domaine de la politique internationale... un domaine méconnu de l'opinion publique. Parfois le discours et les actes se rejoignent, comme pour la guerre qui a lieu en Libye où l'opinion publique (en France) était du côté de l'intervention (la guerre) menée avec l'accord de l'ONU, intervention très vite passée sous le commandement de l'OTAN.
Dans notre système démocratique les politiques ne sont plus censés nous représenter ou tenter d'appliquer les idées et desiderata du peuple, mais appliquer un programme de gestion de l'État suivant une idéologie de plus en plus estompée du clivage gauche/droite. On vote pour une idée et non pas pour porter les idées ou les doléances du peuple. De fait la sanction du peuple tombe au moment des élections et de la possible réélection qui tient lieu de plébiscite. Le politique doit donc tenir un discours qui plaise à "l'opinion publique" ; ce discours est une réponse à l'information et la perception quasi-unilatérale sur les politiques étrangères qui se calque sur une vision unilatérale du monde (une vision en générale calquée sur la politique internationale défendue par les américains) ; c'est un jeu dangereux qui encourage les va-t-en guerre (qui la font rarement eux-mêmes).
Pour que la politique étrangère du pays soit compatible avec la démocratie il faudrait que le peuple ait accès à plus de sources d'information, et que les politiques élus soient les représentants du peuple. Que s'est-il dit à l'Élysée quand Ali Bongo est venu ? Quel a été le but de cette visite ? L'opinion publique et les journaux dominants devaient regarder ailleurs, ce jour-là. Et maintenant, quelle va être la position de la France si l'Angleterre attaque l'ambassade d'Équateur à Londres ? Quelle va-être la position de la France si une guerre est déclenchée en Iran ?... Si la diplomatie est un jeu qui se joue à plusieurs joueurs, la France semble continuer d'avancer ses pions (nous ne parlons pas là de l'Afrique) sous la houlette de l'atlantisme. Pourtant, les États Unis d'Amérique et l'OTAN ne sont pas la seule voix diplomatique envisageable par la France et l'Europe.