Est-ce que BLEACH était un grand album ?


Je me suis souvent enfermé tout seul dans ma chambre pour écouter Bleach à un volume raisonnable. À l'époque ça voulait dire fort. C’est qu’à part Blew (rho le solo), Floyd The Barber, About a girl, School (surtout que quand Kurt chante you're in my school again on comprenait you’re a Nazgûl again), Love Buzz et Negative Creep (urgente comme du Metallica sans métal), Scoff et Big Cheese (putain le mixage de la voix...) je le trouvais moins bon que Nervermind ; voir un peu trop brouillon et un peu répétitif. Par contre le titre Bleach, c’était quelque chose et puis la couleur noir... mais surtout, surtout c'était le premier album. Celui qu'ils avaient fait dans l'ombre (et même pas avec le même batteur et sur la pochette ils sont 4, oui quatre : il y a deux guitaristes en plus du batteur et du bassiste). About a girl et Love Buzz tournaient pour les moments de détente. Negative Creep, Mr Moustache et Big Cheese pour la rage (surtout Negative Creep). Ou peut-être c'était School, Big Cheese et Blew ? Peu importe la chanson en vérité, pourvu qu'on puisse se défouler parce qu'on devait avoir ce trop plein d'énergie qui ne demandait qu'à péter. Je me souviens aussi que Sifting ressemblait à un film d'horreur pour moi, quelque chose de lourd et d'angoissant.


Maintenant, plus de vingt ans plus tard, je réécoute Bleach et j’apprécie le côté frais de la chose. La liberté de ton dans les compositions. Déjà à l'époque je me souviens que je trouvais qu'il y avait quelque chose de jazz dans ce disque, par jazz j'entendais libre. Dans la réédition vinyle de Sub Pop en 2010 (avec le concert du 9 Février 1990 au Pine Street Theatre de Portland, Oregon) il y a des photos de Kurt, Chris et Chad (le premier batteur, il y avait Dale aussi sur l'album). Ce sont des photos de gamins qui font du rock. Dans toutes les villes, dans tous les villages il y a quelqu’un qui a ce genre de photos dans une boîte à chaussures ou un album : Machin à la guitare lors du concert sur la place du village ; bidule qui fait le con sur une batterie à la fête de truc ; l'autre bourré sur sa guitare... et les souvenirs qui vont avec. Ces moments où on a été les maîtres du monde. Ils ont l’air de s’amuser et de prendre ça un peu au sérieux, merde, on fait du punk rock quand même. On veut sortir de cette ville pourrie. Aberdeen c’est où sur la carte ? C’est quoi ?
C'est partout dans le monde, la mondialisation avait commencé...


En vérité qu'est-ce qu'on en a à foutre de la taille de Bleach ? C'est un album de Nirvana, le premier, et l'industrie de la musique, les médias, le suicide de Kurt Donald Cobain, les kids... toute cette foutue alchimie l'a sorti des bacs de disques du côté de Seatlle et l'a hissé en haut de l'affiche, au panthéon du punk rock, du grunge... du rock, quoi. Et ce disque qui aurait pu rester un bon album d'un bon groupe, pas loin de Seattle, fait maintenant partie de la messe pour un paquet de trentenaires.


(Putain, je connais tous les morceaux par cœur, j'ai toujours la rage sur Negative Creep, Love Buzz me laisse toujours heureux et nonchalant comme un vieux blues et je peux écouter dix fois de suite About a Girl.)