En ce dimanche de Juin, le deuxième, c'est au tour de monsieur Claude Mesplède - le père du dictionnaire des littératures policières paru chez Joseph K - de nous parler de son souvenir musical. Notons au passage que Claude a ouvert il y a peu Calibre 47 un site consacré aux polars.
Dès la première écoute, cet air m'a fasciné et encore apprenti à l'école d'Air France. Dans notre petit uniforme marron ridicule, nous étions allés en masse dans un cinéma où passait un film avec cette musique, avec aussi les Platters, Elvis et le reste. Y a eu un peu de schtroumpf et quelques mecs embarqués par les flics. Un an plus tard, je commence à réparer les avions à Orly. Nous sommes au début du mois de juillet 1957. Pour me loger, j'ai trouvé chez une habitante de Clamart une chambre. Celle de son fils qui fait la guerre en Algérie. Je vais au boulot en vélo soit 40 kilomètres chaque jour avec les redoutables côtes de la Butte Rouge et Fresnes lorsqu'on passe devant la prison. Quand je ne suis pas astreint à l'horaire du soir ou de nuit, je rentre à la maison vers 16 h. Je ne connais personne, je n'ai pas d'ami, encore moins de petite amie. Par contre, je me suis acheté avec ma première paie (45.000 francs) fin juillet, un tourne disque Teppaz qu'on doit brancher sur une radio pour avoir le son.
Je me revois devant le petit pavillon où je logeais. J'envoie Rock around the Clock une fois, deux fois, trois fois et bientôt quelques jeunes du quartier viennent se coller contre les grilles de la maison pour profiter de ma musique. Quelques mots s'échangent et je me dis que je vais bientôt avoir des copains et des copines. C'est une marque évidente de richesse que d'avoir un Teppaz. On n'est pas loin d'être taxé sur la fortune, quoique l'impôt n'existât pas encore.
Manque de bol (sauf pour mes jambes). Je déménage une semaine plus tard. Exit Clamart, bonjour Orly où un copain m'a trouvé une chambre libre à l'hôtel des Charmilles. A nouveau tout seul et il fait froid là-dedans même quand j'écoute Bill Haley. Trois mois plus tard, j'intègre une chambre coquette à Cachan. C'est le premier foyer pour jeunes travailleurs qui ouvre en France. J'y retrouve plusieurs copains d'Air France. Rapidement, nous créons un cercle de la jeunesse communiste avec une trentaine d'adhérents (on a dû arriver à 50) et nous revendiquons le droit de gérer nous mêmes nos loisirs, la bibliothèque et les soirées dansantes où à nouveau Bill Haley sera mis à l'honneur pour rassembler les coeurs perdus.
Rock around the Clock par Bill Haley and his comets
Claude Mesplède 70 ans (putain ça fait vieux)
A cette époque, juillet 1957 j'avais 18 ans et six mois le lieu était Clamart (Hauts de Seine à présent)
Bill Haley and His Comet, Rock Around The Clock