La vie secrète de E. Robert Pendleton, Michael Collins
Michael Collins, La vie secrète de E. Robert Pendleton, Christian Bourgois, 2007, 26 euros, 528 p.
Dernier roman de Michael Collins après Les âmes perdues, La vie secrète de E. Robert Pendleton s'attarde encore sur la vie des gens dans un cercle fermé, après la ville américaine voici la fac de Bannockburn, forteresse encerclée d'eau.
On commence dans une ambiance d'humour et d'ironie, au milieu du monde universitaire, repaire d'écrivains ratés en quête d'une seconde carrière et notoriété. C'est le cas de Pendleton, retranché là pour donner des cours à de jeunes privilégies, dans ce pseudo "berceau du savoir". Pendleton qui a connu les prémisces d'une petite gloire mais dont les romans sont toujours restés dans un tiroir. Il ne côtoie à l'université que des profs qui s'auto-éditent entre-eux, et s'auto-critiquent de la même manière, et pour qui "être frappé de maladie mentale était la plus haute marque d'approbation de cette prétendue littérature."
Cette première partie est la plus enlevée, légère ; elle égratigne le monde littéraire. Puis va débarquer à Bannockburn, invité par Pendleton pour une conférence, son ancien ami devenu auteur à succès et rival : Allen Horowitz.
De là surgiront un suicide, et la remontée d'une vieille affaire : le meurtre d'une adolescente. Plusieurs personnages graviteront autour de Pendleton, une jeune thésarde ambitieuse et paumée, l'auteur à succès Horowitz qui se met à douter, un photographe amateur de Stephen King, et un flic pas très équilibré. Finalement, tous ces personnages ne sont rien moins que tous coupables, obsédés qui par la réussite ou le passé, possédés par un mal-être pesant. C'est la force de l'auteur, cette façon de donner vie à ses personnages et de synthétiser toute leur essence. Il va par exemple en une demi-page, esquisser l'histoire familiale d'un des suspects dans le meurtre de l'adolescente. Gary Scholl, dont la famille de propriétaires terriens a eu son heure de gloire à la fin du 19è siècle, mais lui est "né dans un appartement de location, au-dessus de la station-service de Lloyd Picket."
Et puis forcément Ryder, le flic en chute libre, à la fois dans et loin des clichés habituels, "arrivé à son âge aux dernier souffles de la vie ouvrière", "toute sa vie il avait lutté pour les perdants". Ryder plein d'empathie pour une enquête dans laquelle il voit les fantômes de sa vie. Et au-delà de tous ces personnages, Michael Collins réfléchit sur la réalité et la fiction, le rapport roman et monde réel, et comment vivre, tout simplement. Adi la thésarde isolée dans sa bulle se "voit comme un simple personnage qui passe en voiture", elle "veut revenir au littéral". Horowitz l'auteur à succès pense lui que "la vie à l'extérieur est une technique qui s'apprend." Et quand un roman publié quelques années plus tôt raconte la découverte d'un cadavre avant que l'a police n'ait retrouvé celui-ci, on s'interroge pour savoir si la littérature cesse d'être de la fiction dès lors qu'elle raconte un fait réel.
Il ne faut pas oublier bien sûr la question de Dieu, en filigrane toujours présente dans les romans de Michael Collins. Car Pendleton s'est intéressé à Nietzsche et au surhomme, aux crimes commis pour éprouver l'existence de Dieu. Lui, un auteur en quête de sens dans un monde sans dieux, un auteur avorté et reconnu sur le tard.
Dans La vie secrète de E. Robert Pendleton la pression monte en continu, je me suis sentie par moments dans un roman un peu fantastique où plane une ambiance étrange ; les choses y basculent petit à petit. Un roman qui s'ouvre sur une citation de Dostoïevski et qui se prête certainement à une deuxième lecture, tant il y a de choses à relever.
On commence dans une ambiance d'humour et d'ironie, au milieu du monde universitaire, repaire d'écrivains ratés en quête d'une seconde carrière et notoriété. C'est le cas de Pendleton, retranché là pour donner des cours à de jeunes privilégies, dans ce pseudo "berceau du savoir". Pendleton qui a connu les prémisces d'une petite gloire mais dont les romans sont toujours restés dans un tiroir. Il ne côtoie à l'université que des profs qui s'auto-éditent entre-eux, et s'auto-critiquent de la même manière, et pour qui "être frappé de maladie mentale était la plus haute marque d'approbation de cette prétendue littérature."
Cette première partie est la plus enlevée, légère ; elle égratigne le monde littéraire. Puis va débarquer à Bannockburn, invité par Pendleton pour une conférence, son ancien ami devenu auteur à succès et rival : Allen Horowitz.
De là surgiront un suicide, et la remontée d'une vieille affaire : le meurtre d'une adolescente. Plusieurs personnages graviteront autour de Pendleton, une jeune thésarde ambitieuse et paumée, l'auteur à succès Horowitz qui se met à douter, un photographe amateur de Stephen King, et un flic pas très équilibré. Finalement, tous ces personnages ne sont rien moins que tous coupables, obsédés qui par la réussite ou le passé, possédés par un mal-être pesant. C'est la force de l'auteur, cette façon de donner vie à ses personnages et de synthétiser toute leur essence. Il va par exemple en une demi-page, esquisser l'histoire familiale d'un des suspects dans le meurtre de l'adolescente. Gary Scholl, dont la famille de propriétaires terriens a eu son heure de gloire à la fin du 19è siècle, mais lui est "né dans un appartement de location, au-dessus de la station-service de Lloyd Picket."
Et puis forcément Ryder, le flic en chute libre, à la fois dans et loin des clichés habituels, "arrivé à son âge aux dernier souffles de la vie ouvrière", "toute sa vie il avait lutté pour les perdants". Ryder plein d'empathie pour une enquête dans laquelle il voit les fantômes de sa vie. Et au-delà de tous ces personnages, Michael Collins réfléchit sur la réalité et la fiction, le rapport roman et monde réel, et comment vivre, tout simplement. Adi la thésarde isolée dans sa bulle se "voit comme un simple personnage qui passe en voiture", elle "veut revenir au littéral". Horowitz l'auteur à succès pense lui que "la vie à l'extérieur est une technique qui s'apprend." Et quand un roman publié quelques années plus tôt raconte la découverte d'un cadavre avant que l'a police n'ait retrouvé celui-ci, on s'interroge pour savoir si la littérature cesse d'être de la fiction dès lors qu'elle raconte un fait réel.
Il ne faut pas oublier bien sûr la question de Dieu, en filigrane toujours présente dans les romans de Michael Collins. Car Pendleton s'est intéressé à Nietzsche et au surhomme, aux crimes commis pour éprouver l'existence de Dieu. Lui, un auteur en quête de sens dans un monde sans dieux, un auteur avorté et reconnu sur le tard.
Dans La vie secrète de E. Robert Pendleton la pression monte en continu, je me suis sentie par moments dans un roman un peu fantastique où plane une ambiance étrange ; les choses y basculent petit à petit. Un roman qui s'ouvre sur une citation de Dostoïevski et qui se prête certainement à une deuxième lecture, tant il y a de choses à relever.
Michael Collins, La vie secrète de E. Robert Pendleton, Christian Bourgois, 2007, 26 euros, 528 p.