William Kotzwinkle, Fan Man et autres joyeusetés
Aaaaaah, moi qui croyait avoir lu tout Kotzwinkle... Voilà qu’un vieux nouveau (le roman date de 1974) sort en France grâce au travail des éditions Cambourakis, et m’aurait échappé sans l'oeil vigilant et le cadeau béni d'une collègue de forum ! Fan Man ne dépareillerait pas à côté d’un Envoie moi au ciel Scotty. Avec un peu de légèreté en plus. C’est une lecture trip, un roman de fou qui me fait placer Kotzwinkle dans une catégorie définitivement à part, vu la diversité de ses écrits.
Horse Badorties vit à New-York dans les années 70 « dans les rues du pittoresque Lower East Side, bordées de canapés humides lourdés, sur lesquels de petits enfants jouent, sautant sur les ressorts et s’élançant dans les airs. » Vivre, c’est occuper des apparts surchargés en partoche de musique, boîtes de conserve et autres bizarreries ramassées dans la rue. Horse Badorties fume plein de drôles de choses qui lui ont décanillé la tête. Comme ces « écorces de mangue péruvienne, un stimulant végétal doux qui aide à voir les iguanes qu’on a dans les mirettes. » Il se protège de la musique portoricaine à l’aide d’une casquette Duchmoll à cache-oreilles, semble incapable de prendre des décisions, et posséder à la fois lucidité et sens de l’essentiel. Faut le voir diriger sa chorale en imitant le tyrannosaure rex ou purifier sa conscience en répétant le mot « andouille » toute la journée. Impossible de vous décrire ce livre. Il faut vraiment, absolument, le découvrir.
Kurt Vonnegut parle, dans la préface qu’il a fait au roman, de sa musique. Et il s’agit bien de cela. Le style de Kotzwinkle m’a tout d’abord heurtée, parce qu’Horse Badorties colle des man dans toutes ses phrases. Mais cela fait partie de son univers, au même titre que son allumette spéciale ou sa casquette Duchmoll anti musique portoricaine. Il faut s’accorder sur la musique du style et se laisser porter.
Le lecteur qui ouvre un roman de Kotzwinkle est à chaque fois étonné, d'abord en le découvrant, puis ensuite en pensant le connaître avant de se rendre compte que l'auteur se renouvelle à chaque fois. Mon expérience a commencé par Midnight Examiner publié, comme beaucoup d'autres de ses romans sortis en France, chez Rivages/Noir. Une collection qui ne laisse pas présager les bosses de rire qui se profilent en compagnie de cette équipe de journalistes. Est venu ensuite la tendresse de Book of Love, comme à chaque fois que je lis une belle histoire qui fait ressurgir avec adresse ces moments d'enfance. Rien que les titres de chapitre sont alléchants : « Passe moi la clé de douze, tu veux ? », « Peut-on en vouloir à une fille qui avoue : je déteste sortir avec un garçon qui a des points noirs ? », « Dans lequel Eddie Chanooga se déchaîne à l’accordéon et en perd sa moumoute ». En fait chez Rivages, seul Le Jeu des Trente se rattache immédiatement au polar puisqu'il renvoie au personnage de détective privé, dans un opus qui sent l'hommage. Chez Babel il y a eu cette histoire sacrément touchante de perte d'enfant, Le nageur dans la mer secrète (on reconnaît toute la plume de l'auteur dans cette métaphore pour parler d'un bébé).
Tout ça pour dire, si vous ne connaissez pas encore William Kotzwinkle, foncez les yeux fermés.
William Kotzwinkle, Fan Man, Cambourakis, 2008, 20 euros, 176p.
Aaaaaah, moi qui croyait avoir lu tout Kotzwinkle... Voilà qu’un vieux nouveau (le roman date de 1974) sort en France grâce au travail des éditions Cambourakis, et m’aurait échappé sans l'oeil vigilant et le cadeau béni d'une collègue de forum ! Fan Man ne dépareillerait pas à côté d’un Envoie moi au ciel Scotty. Avec un peu de légèreté en plus. C’est une lecture trip, un roman de fou qui me fait placer Kotzwinkle dans une catégorie définitivement à part, vu la diversité de ses écrits.
Horse Badorties vit à New-York dans les années 70 « dans les rues du pittoresque Lower East Side, bordées de canapés humides lourdés, sur lesquels de petits enfants jouent, sautant sur les ressorts et s’élançant dans les airs. » Vivre, c’est occuper des apparts surchargés en partoche de musique, boîtes de conserve et autres bizarreries ramassées dans la rue. Horse Badorties fume plein de drôles de choses qui lui ont décanillé la tête. Comme ces « écorces de mangue péruvienne, un stimulant végétal doux qui aide à voir les iguanes qu’on a dans les mirettes. » Il se protège de la musique portoricaine à l’aide d’une casquette Duchmoll à cache-oreilles, semble incapable de prendre des décisions, et posséder à la fois lucidité et sens de l’essentiel. Faut le voir diriger sa chorale en imitant le tyrannosaure rex ou purifier sa conscience en répétant le mot « andouille » toute la journée. Impossible de vous décrire ce livre. Il faut vraiment, absolument, le découvrir.
Kurt Vonnegut parle, dans la préface qu’il a fait au roman, de sa musique. Et il s’agit bien de cela. Le style de Kotzwinkle m’a tout d’abord heurtée, parce qu’Horse Badorties colle des man dans toutes ses phrases. Mais cela fait partie de son univers, au même titre que son allumette spéciale ou sa casquette Duchmoll anti musique portoricaine. Il faut s’accorder sur la musique du style et se laisser porter.
Le lecteur qui ouvre un roman de Kotzwinkle est à chaque fois étonné, d'abord en le découvrant, puis ensuite en pensant le connaître avant de se rendre compte que l'auteur se renouvelle à chaque fois. Mon expérience a commencé par Midnight Examiner publié, comme beaucoup d'autres de ses romans sortis en France, chez Rivages/Noir. Une collection qui ne laisse pas présager les bosses de rire qui se profilent en compagnie de cette équipe de journalistes. Est venu ensuite la tendresse de Book of Love, comme à chaque fois que je lis une belle histoire qui fait ressurgir avec adresse ces moments d'enfance. Rien que les titres de chapitre sont alléchants : « Passe moi la clé de douze, tu veux ? », « Peut-on en vouloir à une fille qui avoue : je déteste sortir avec un garçon qui a des points noirs ? », « Dans lequel Eddie Chanooga se déchaîne à l’accordéon et en perd sa moumoute ». En fait chez Rivages, seul Le Jeu des Trente se rattache immédiatement au polar puisqu'il renvoie au personnage de détective privé, dans un opus qui sent l'hommage. Chez Babel il y a eu cette histoire sacrément touchante de perte d'enfant, Le nageur dans la mer secrète (on reconnaît toute la plume de l'auteur dans cette métaphore pour parler d'un bébé).
Tout ça pour dire, si vous ne connaissez pas encore William Kotzwinkle, foncez les yeux fermés.
William Kotzwinkle, Fan Man, Cambourakis, 2008, 20 euros, 176p.