Bastille Tango de Jean-François Vilar


Vilar convoque l’Argentine, la période de son histoire où des gens disparaissaient soudain. Revoilà Victor avec ses chats, son Underwood et son bourbon ; les rues de Paris et les figures qui la hantent. La nuit, le petit matin, les clochards et les fêtards. Victor, c’est l’amitié, l’amour et la liberté. Photographe à son compte, il travaille également pour le journal Le soir. A l’occasion, il entasse dans son appartement les vestiges d’un Paris en mutation. Quartier de la Bastille, on démolit, la gare pour laisser place au tout nouvel Opéra, le vieux cinéma... Victor aime Jessica, l’indépendante Argentine. Avec la faune des exilés, artistes et tagueurs, ils se retrouvent souvent dans la boîte de Rita, la japonaise avec une théorie spéciale sur l’origine du tango. Musique, danse et poésie. Et puis il y a Oscar le mystérieux colleur d’affiches qui fait ressurgir les tortures. Au pays, un procès très attendu va s’ouvrir avec les militaires dans le rang des accusés. Certains des exilés doivent y témoigner. Et voilà que les cadavres tombent. Suicides, accidents, meurtres ? La police ne s’en préoccupe guère, ne voyant pas de lien entre ces morts. On est loin des flics survoltés et de la grosse enquête. Valse la paranoïa chez Victor, certains des morts sont ses amis, et tous ont un lien avec l’Argentine. Villon le flic qui cite Borges et « ressemblait de plus en plus à une chanson de Tom Waits » va tenter de prêter son aide, cherchant à rattraper ses erreurs passées. Mais l'oubli ne vient pas.

« On refuse toujours de voir le danger qui encercle. On croit jusqu’au bout pouvoir échapper à la rafle. Un soliloque bizarre. C’est comme cela qu’on disparaissait, dans les villes. »

Vilar nous promène encore, après C’est toujours les autres qui meurent ; que la balade est bonne ! Et toujours, la découverte au détour d’une page. Dans cette histoire, Brassaï. Dont les photos collent parfaitement à l'atmosphère des romans de Vilar.

Brassaï, Prostituée

Jean-François Vilar, Bastille Tango, Babel Noir, 1998, 8 euros, 370p.