Le Monde perdu de Patricia Melo

Ce récit de tueur échappe à l'habituel côté psychologisant : des faits, des actes, pas de surenchère d’analyse. C’est un road movie qui n’en a pas l’air ; la densité de l’écriture latino- américaine, son verbe, son rythme et sa fantasmagorie font passer au second plan les déplacements du personnage.

On a pu découvrir Maiquel dans O Matador. Sa cavale se poursuit dans Monde Perdu. Ne pas avoir lu sa première aventure n’empêche en rien de comprendre la suite. On retrouve le personnage à l’occasion de l’enterrement de sa tante à Sao Paulo. Ce retour forcé dans l'histoire familiale déclenchera chez lui une envie de retrouver sa femme et sa fille, dont il s’est séparé dans des circonstances que je vous laisse découvrir.
Long parcours chaotique à travers le Brésil, grandes villes et petits villages, Monde Perdu nous présente autre chose que les plages brésiliennes ensoleillées. Favelas, Mouvement des Sans Terre, forêt décimée, religion, corruption et trafic. Les idées foisonnent, les personnages, hommes et femmes croisés par Maiquel aussi.
Il ne s’agit pas de cautionner ou non les actes d’un Maiquel pas très moral, ni de le trouver sympathique ou pas. Il vaut par ses rencontres, en tant qu’inadapté au monde qui en croise d’autres. Cette quête n’a rien d’un mélo mais emprunte plutôt au roman noir, non dénué d’humour. Histoire et style sont au rendez-vous ; je note dans un coin de ma tête le nom de Patricia Melo pour découvrir ses autres romans.

« Tu sais, nous vendons l’Amazonie aux enchères, je traverse ce pays de haut en bas, et tout ce que je vois, c’est du soja. Du soja et encore du soja. Et des brûlis, aussi. Apui, Labrea, Manicore, Boca do Acre, Novo Aripuana, avant, tu arrivais dans ces endroits, c’était la forêt vierge, d’ailleurs, tu n’arrivais même pas jusque-là, aujourd’hui, tu y arrives, ce n’est que de la déforestation. »

Patricia Melo, Monde Perdu, Actes Sud, Juin 2008, 18,80 euros, 207p.