Le diable et Daniel Silverman de Theodore Roszak

Ce roman m’a sauvée de la morosité des deux précédents que j’ai lus. D’entrée de jeu, cet écrivain juif vivant sur les restes d’une vieille notoriété m’a séduite. Style, humour (bon sang qu’est ce qu’on se marre et ce n'est pas si courant), rythme, coups de griffe. Tout y est. La religion, l’intolérance, l’identité, l’écriture et le monde de l’édition sont au centre de l’ouvrage.

Des évangélistes perdus dans le grand Nord américain vont faire vivre un séjour incroyable à Silverman. Ils l'invitent chez eux à Faith College, grassement payé pour une conférence sur ses oeuvres, en signe de progressisme. "Donc, récapitulons, dit Silverman en comptant sur se doigts. Pas de gros mots, pas d'Holocauste, pas de sexe, pas de politique, pas trop juif. Est-ce que le compte y est ?"

Silverman observe ces religieux d’un autre temps, qui vivent dans un décor de bannières JIW pour Jesus is watching, sans télévision, sans café ni Coca. Mais quand Les Frères de l'Eglise évangélique réformée libre dans le Christ expriment clairement le fond de leurs idées, la rencontre dérape, et voilà qui donne lieu à de savoureux échanges. Les plus horribles préjugés et intolérances se dévoilent, forçant Silverman à faire face à son identité, celle qui ne l’intéresse pas mais resurgit car mise en accusation.

Joute autour de la morale et de la religion (sur le thème de l’avortement, de la place de la femme...), le roman vire parfois thriller angoissant dans cette vieille bâtisse prise dans le blizzard, dirigée par une vieille femme riche et imposante dans son fauteuil roulant. "L'anti-intellectualisme, c'était déjà dur en soi. Mais le pseudo-intellectualisme, c'était nettement pire."

Le régal aurait été parfait si le roman ne patinait pas sur les 100 dernières pages, une baisse de régime, une histoire qui aurait pu se finir plus directement.

Theodore Roszak, Le diable et Daniel Silverman, Le livre de poche, 2007, 7 euros 50, 476p.