Upton Sinclair et La Jungle
Upton Sinclair a 26 ans quand le journal McClure’s l’envoie enquêter sur les conditions de travail à Chicago. Il part pendant deux mois dans les usines de conditionnement de viande. Il rencontre les ouvriers étrangers, parle avec eux, visite les lieux. Puis trois mois durant il s’enferme et écrit. Refusé par cinq éditeurs, La jungle est finalement publié en février 1905, avec le soutien de Jack London.
De l’abattoir à la boîte de conserve en passant par les saucisses et l’addition de produits chimiques, tout y passe. Le travail à la chaîne, la pressurisation des ouvriers, le travail des femmes et des enfants, la misère, les microbes, les logements insalubres, l’alcoolisme, la prostitution et la corruption, l’ignorance...
Jurgis et Ona forment le tout jeune couple central des douze membres d’une famille lituanienne fraîchement immigrée à Chicago. Pleine d’espoirs. Jurgis pense qu’il suffit d’être le plus fort pour s’en sortir. Sa volonté est d’ailleurs fortement teintée d’égoïsme et de naïveté. Il perdra ses illusions, durement et une à une. Le seul bol d’air viendra de sa fuite vers la campagne, brève période de répit pendant laquelle il sera maître de lui-même, décidant quand travailler, louant ses bras comme saisonnier.
Autrement, douze heures par jours, sept jours par semaine, tous sauf les plus jeunes enfants s’échinent dans des conditions incroyables imposées par cette industrie qui les broie comme la chair de la viande qu’elle débite. Les grèves sont brisées, les plus faibles jetés à terre et les lois fixées par le système sont aussitôt contournées dans la pratique.
« Les choses avaient changé ; il était illégal aujourd’hui d’employer des jeunes de moins de seize ans. Et pourquoi cela ? demandèrent-ils, car ils envisageaient de mettre le petit Stanislovas au travail. Allons, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, leur assura Grand-mère Majauszkiene. La loi n’avait rien modifié, sinon qu’elle contraignait dorénavant les parents à mentir sur l’âge de leur progéniture. »
Jurgis accablé finira par se compromettre pour gagner de l’argent coûte que coûte, avant de chuter de nouveau, de se révolter et de découvrir le socialisme.
Upton Sinclair dresse un vaste portrait, d’un homme et d’un système, qui secoue vraiment le lecteur, le faisant passer par espoir, abattement et révolte. Le tout fait quelque peu réfléchir à notre actualité et au vent de lois et projets que l’on voit en France. C’est un livre dont le cri n’a pas une raison d’être moins fort aujourd’hui, même si quelques données ont changé, ou se sont légèrement déplacées.
« On engageait la conversation avec un pauvre diable qui travaillait dans le même atelier depuis trente ans sans avoir réussi à économiser le moindre cent ; qui partait de chez lui tous les matins à six heures pour se mettre au service d’une machine jusqu’au soir, et qui, en rentrant, n’avait plus la force de se déshabiller avant d’aller se coucher ; qui n’avait jamais eu huit jours de vacances, n’avait jamais voyagé, n’avait jamais connu l’aventure, n’avait jamais rien appris ni espéré. Eh bien, quand on commençait à lui parler du socialisme, il prenait un air dédaigneux pour vous lancer : « Ca ne m’intéresse pas. Moi, je suis individualiste ! ». Il expliquait ensuite que le socialisme n’était qu’une forme de paternalisme et que, si ce mouvement triomphait, c’en était fini du progrès. Comment ne pas se tordre de rire en entendant cela ! Et pourtant, ce n’était pas drôle ; car ils se comptaient par millions les pauvres bougres qui avaient été trompés, qui avaient eu leur existence broyée par le capitalisme, au point de ne plus savoir ce qu’était la liberté ! »
Upton Sinclair, La jungle, réédition Gutenberg 2008, 23,95 euros, 451p.
De l’abattoir à la boîte de conserve en passant par les saucisses et l’addition de produits chimiques, tout y passe. Le travail à la chaîne, la pressurisation des ouvriers, le travail des femmes et des enfants, la misère, les microbes, les logements insalubres, l’alcoolisme, la prostitution et la corruption, l’ignorance...
Jurgis et Ona forment le tout jeune couple central des douze membres d’une famille lituanienne fraîchement immigrée à Chicago. Pleine d’espoirs. Jurgis pense qu’il suffit d’être le plus fort pour s’en sortir. Sa volonté est d’ailleurs fortement teintée d’égoïsme et de naïveté. Il perdra ses illusions, durement et une à une. Le seul bol d’air viendra de sa fuite vers la campagne, brève période de répit pendant laquelle il sera maître de lui-même, décidant quand travailler, louant ses bras comme saisonnier.
Autrement, douze heures par jours, sept jours par semaine, tous sauf les plus jeunes enfants s’échinent dans des conditions incroyables imposées par cette industrie qui les broie comme la chair de la viande qu’elle débite. Les grèves sont brisées, les plus faibles jetés à terre et les lois fixées par le système sont aussitôt contournées dans la pratique.
« Les choses avaient changé ; il était illégal aujourd’hui d’employer des jeunes de moins de seize ans. Et pourquoi cela ? demandèrent-ils, car ils envisageaient de mettre le petit Stanislovas au travail. Allons, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, leur assura Grand-mère Majauszkiene. La loi n’avait rien modifié, sinon qu’elle contraignait dorénavant les parents à mentir sur l’âge de leur progéniture. »
Jurgis accablé finira par se compromettre pour gagner de l’argent coûte que coûte, avant de chuter de nouveau, de se révolter et de découvrir le socialisme.
Upton Sinclair dresse un vaste portrait, d’un homme et d’un système, qui secoue vraiment le lecteur, le faisant passer par espoir, abattement et révolte. Le tout fait quelque peu réfléchir à notre actualité et au vent de lois et projets que l’on voit en France. C’est un livre dont le cri n’a pas une raison d’être moins fort aujourd’hui, même si quelques données ont changé, ou se sont légèrement déplacées.
« On engageait la conversation avec un pauvre diable qui travaillait dans le même atelier depuis trente ans sans avoir réussi à économiser le moindre cent ; qui partait de chez lui tous les matins à six heures pour se mettre au service d’une machine jusqu’au soir, et qui, en rentrant, n’avait plus la force de se déshabiller avant d’aller se coucher ; qui n’avait jamais eu huit jours de vacances, n’avait jamais voyagé, n’avait jamais connu l’aventure, n’avait jamais rien appris ni espéré. Eh bien, quand on commençait à lui parler du socialisme, il prenait un air dédaigneux pour vous lancer : « Ca ne m’intéresse pas. Moi, je suis individualiste ! ». Il expliquait ensuite que le socialisme n’était qu’une forme de paternalisme et que, si ce mouvement triomphait, c’en était fini du progrès. Comment ne pas se tordre de rire en entendant cela ! Et pourtant, ce n’était pas drôle ; car ils se comptaient par millions les pauvres bougres qui avaient été trompés, qui avaient eu leur existence broyée par le capitalisme, au point de ne plus savoir ce qu’était la liberté ! »
Upton Sinclair, La jungle, réédition Gutenberg 2008, 23,95 euros, 451p.