L'enfant de cristal, de Theodore Roszak


On baigne dans une curieuse ambiance avec cet Enfant de Cristal. Après un début en immersion dans le milieu médical viennent les histoires de personnes, puis le roman s’envole vers le mythe, le conte et le fantastique. La sensation, de l'ordre du mystique, peut être déroutante si l’on n’est pas familier de ces genres, ou de ce type de questionnement.

L’histoire renvoie le lecteur aux sensations de son enfance, à une réflexion sur la supériorité établie de l’adulte sur l’enfant (sagesse contre innocence), et à ce que représente la vieillesse, pour chacun de nous comme pour la société. Par extension, l’histoire de ce petit garçon atteint de progéria nous met face à notre façon d’envisager la mort, souvent abstraite dans nos sociétés, relevant plus d'un lointain global que d'un ressenti personnel.

Le temps, pivot de tout, représente l’ennemi, l’obstacle incontournable, pour Aaron l'enfant malade comme pour ceux qui luttent à ses côtés. « Je crois que le temps est une maladie, comme un virus. Je ne crois pas que le monde ait été fait pour comporter le temps en lui. » L’auteur utilise le temps et, grâce à son imagination formidable, déplace, supprime même, la problématique du vieillissement. Aaron, découvre que ce facteur n’est qu’un élément sur lequel on bute obstinément, un simple obstacle que le cerveau humain n’a pas su dépasser. Il arrive à le vaincre, et suscite rejet, haine, amour, intérêt parmi les gens qui l’entourent. Aurait-on découvert le secret de l’immortalité ?

On croisera également des réflexions sur la morale et la sexualité dans cette aventure étonnante. Le lecteur pragmatique qui ne saurait abandonner ses convictions à la première page risque de ne pas faire le voyage avec ce roman, à l’image de Kevin le généticien aveuglé par ses certitudes.

Pour cette deuxième lecture de Theodore Roszak après La Conspiration des Ténèbres (2004), je suis emballée par son univers atypique.

« - Sur notre condition originelle. Nous sommes des créatures de lumière, tu sais. Le corps primitif ne projetait pas d’ombre. (Soudain, avec un clin d’oeil espiègle, il ajouta :) On dit que Jésus ne chiait pas. Tu savais ça ? Et quel serait le diagnostic du gastro-entérologue, d’après toi ? Mais la constipation, bien sûr. Il fut plié en deux. »

Theodore Roszak, L'enfant de Cristal, collection Neo - Le cherche midi, 2008, 22 euros, 527p.