Demain, une oasis, de Ayerdhal
« De toute façon, philosopher n’arrange rien, cela empêche d’agir. »
C'est ainsi que Dziiya justifie ses actions. A la tête d’une organisation humanitaire qui cache d’autres projets, elle essaie de construire un avenir pour l’Afrique, avec des moyens pas toujours moralement irréprochables. Mais qui peut affirmer qu’ils ne sont pas nécessaires ? L’Interne, bureaucrate tranquille, va rejoindre cette petite équipe, un peu forcé. C’est lui le narrateur. Son oeil européen fera alterner le lecteur entre critique, moue sceptique et compréhension des dilemmes exposés.
Car l’Interne, préservé par une vie "normale", découvre brutalement une misère restée vaguement à la périphérie de sa conscience, « une aiguille qui n’empêchait pas de rêver à l’espace industriel ». « Ce que j’ai vu est intolérable, n’importe où, n’importe quand, et ça fait des siècles que ça dure ». Le ton et les constatations peuvent paraître simplistes au lecteur pleinement conscient des sujets dont il est question. Mais il n’est pas toujours besoin d’utiliser la métaphore, la noirceur ou une intrigue complexe pour dénoncer les échecs de notre société. Le contraste est aussi un moyen. Il est ici porté par une histoire sous forme de polar d’action, avec intrigue, aventure et suspense, humour ! Ce serait presque léger et divertissant, sans le fond du sujet.
« D’abord il y avait un monde découpé en trois zones : les pays industrialisés, riches, les pays en voie de développement, pauvres, et le tiers-monde, indigent. Les uns avaient salopé la planète pour conquérir l’opulence, les autres avaient tenté de les imiter, les derniers cherchaient seulement à bouffer. »
Dans le désert, l’Interne est confronté à des gens qui ne veulent plus rester les bras croisés, qui ont dépassé une morale à sens unique imposée par les plus riches. Des personnes dont les conditions de vie intolérables mènent à des priorités forcément différentes des nôtres. « D’abord on nourrit les affamés, on soigne les malades, on loge les sans-abri, après on pourra peut-être envisager de fournir la télévision à tout le monde. »
Si quelques êtres humains décident de sauver la peau de ceux qui meurent, ignorés et même maintenus dans la misère ; si ces êtres s’approprient et transgressent, décident de relever la tête : qui peut dire que ça ne doit pas être ? Dans quelle mesure pouvons-nous condamner ceux qui luttent pour des besoins essentiels ?
Et si on écoutait en accompagnement du livre la ritournelle de Romain Dudek sur son CD La poésie des Usines, qui donne ceci : « Mais qu’est ce qu’ils ont ces petits morveux - à cracher dans la main tendue – Ne me dites pas qu’ils devinent que – C’est la charité qui les tue. »
Le roman d’Ayerdhal provoque un questionnement sur l’humanitaire. Fournir assistance à un pays en grand besoin n’est pas une nécessité évidente. De nombreuses implications résident dans cette semi-vie qu’on permet d’un côté, tout en tapant dessus de l’autre (exploitation des richesses par les grandes industries, maintien des dictatures...). Il faut observer les coulisses et s’interroger (regarder en face ?) sur l’hypocrisie de nos opérations de bienfaisance.
« Je ne dis pas qu’il faut consacrer son existence à éradiquer l’indigence du tiers-monde – la vie offre des plaisirs qu’il serait idiot d’ignorer -, mais je crois qu’il faut mettre un terme à la cécité, relever ses propres manches. » Parce que, comme le dit l’Interne je ne suis pas responsable de l’état du monde, mais seulement de ce que j’en fais chaque jour.
A une période où l’opinion vit par les sondages, s’exprime à la légère sur tous les sujets, prise comme exemple de légitimité ou à l’inverse ignorée dans sa volonté, le roman d’Ayerdhal nous dit juste qu’il faudrait simplement AGIR. Véritablement. Que chacun choisisse à quel niveau, mais qu’il le fasse. Pour que cessent toutes les bonnes excuses et les réflexions qui ne servent qu’à réagir.
« C’est dans ces moments que je vous maudis tous, pas parce que vous n’avez jamais levé un doigt, mais parce que le désert n’existe que de votre luxe et de votre puissance. Je ne dirai jamais au président contre quoi, contre qui il lutte réellement. Je ne vous demanderai même pas de nous laisser rêver, ce serait vous autoriser à ne nous laisser qu’un rêve. Je veux juste que vous sachiez ce qui se passe de l’autre côté du monde, celui d’à côté, le tiers. »
C'est ainsi que Dziiya justifie ses actions. A la tête d’une organisation humanitaire qui cache d’autres projets, elle essaie de construire un avenir pour l’Afrique, avec des moyens pas toujours moralement irréprochables. Mais qui peut affirmer qu’ils ne sont pas nécessaires ? L’Interne, bureaucrate tranquille, va rejoindre cette petite équipe, un peu forcé. C’est lui le narrateur. Son oeil européen fera alterner le lecteur entre critique, moue sceptique et compréhension des dilemmes exposés.
Car l’Interne, préservé par une vie "normale", découvre brutalement une misère restée vaguement à la périphérie de sa conscience, « une aiguille qui n’empêchait pas de rêver à l’espace industriel ». « Ce que j’ai vu est intolérable, n’importe où, n’importe quand, et ça fait des siècles que ça dure ». Le ton et les constatations peuvent paraître simplistes au lecteur pleinement conscient des sujets dont il est question. Mais il n’est pas toujours besoin d’utiliser la métaphore, la noirceur ou une intrigue complexe pour dénoncer les échecs de notre société. Le contraste est aussi un moyen. Il est ici porté par une histoire sous forme de polar d’action, avec intrigue, aventure et suspense, humour ! Ce serait presque léger et divertissant, sans le fond du sujet.
« D’abord il y avait un monde découpé en trois zones : les pays industrialisés, riches, les pays en voie de développement, pauvres, et le tiers-monde, indigent. Les uns avaient salopé la planète pour conquérir l’opulence, les autres avaient tenté de les imiter, les derniers cherchaient seulement à bouffer. »
Dans le désert, l’Interne est confronté à des gens qui ne veulent plus rester les bras croisés, qui ont dépassé une morale à sens unique imposée par les plus riches. Des personnes dont les conditions de vie intolérables mènent à des priorités forcément différentes des nôtres. « D’abord on nourrit les affamés, on soigne les malades, on loge les sans-abri, après on pourra peut-être envisager de fournir la télévision à tout le monde. »
Si quelques êtres humains décident de sauver la peau de ceux qui meurent, ignorés et même maintenus dans la misère ; si ces êtres s’approprient et transgressent, décident de relever la tête : qui peut dire que ça ne doit pas être ? Dans quelle mesure pouvons-nous condamner ceux qui luttent pour des besoins essentiels ?
Et si on écoutait en accompagnement du livre la ritournelle de Romain Dudek sur son CD La poésie des Usines, qui donne ceci : « Mais qu’est ce qu’ils ont ces petits morveux - à cracher dans la main tendue – Ne me dites pas qu’ils devinent que – C’est la charité qui les tue. »
Le roman d’Ayerdhal provoque un questionnement sur l’humanitaire. Fournir assistance à un pays en grand besoin n’est pas une nécessité évidente. De nombreuses implications résident dans cette semi-vie qu’on permet d’un côté, tout en tapant dessus de l’autre (exploitation des richesses par les grandes industries, maintien des dictatures...). Il faut observer les coulisses et s’interroger (regarder en face ?) sur l’hypocrisie de nos opérations de bienfaisance.
« Je ne dis pas qu’il faut consacrer son existence à éradiquer l’indigence du tiers-monde – la vie offre des plaisirs qu’il serait idiot d’ignorer -, mais je crois qu’il faut mettre un terme à la cécité, relever ses propres manches. » Parce que, comme le dit l’Interne je ne suis pas responsable de l’état du monde, mais seulement de ce que j’en fais chaque jour.
A une période où l’opinion vit par les sondages, s’exprime à la légère sur tous les sujets, prise comme exemple de légitimité ou à l’inverse ignorée dans sa volonté, le roman d’Ayerdhal nous dit juste qu’il faudrait simplement AGIR. Véritablement. Que chacun choisisse à quel niveau, mais qu’il le fasse. Pour que cessent toutes les bonnes excuses et les réflexions qui ne servent qu’à réagir.
« C’est dans ces moments que je vous maudis tous, pas parce que vous n’avez jamais levé un doigt, mais parce que le désert n’existe que de votre luxe et de votre puissance. Je ne dirai jamais au président contre quoi, contre qui il lutte réellement. Je ne vous demanderai même pas de nous laisser rêver, ce serait vous autoriser à ne nous laisser qu’un rêve. Je veux juste que vous sachiez ce qui se passe de l’autre côté du monde, celui d’à côté, le tiers. »