Jean-François Vilar nous offre un polar au ton et à l’atmosphère très particuliers. Il mêle photographie et intrigue, développant largement autour de la thématique de l’image, la perception, la représentation, le regard sur les choses et les êtres.
Dès le début, la vue joue un rôle important. Victor Blainville est journaliste photographe et remplace l'habituel détective qui mène les enquêtes dans nombre de romans policiers. Il passe beaucoup de son temps en promenade dans Paris, le doigt sur le déclencheur, et goûte particulièrement les passages, ces lieux couverts traversant les rues. C’est dans la vitrine de l’un d’eux qu’il découvre un cadavre curieusement mis en scène. Sens de l’observation et connaissance de l’art sont mis à contribution.
Victor vit avec ses chats bolcheviks, dans un appartement poussiéreux, et se déplace à vélo. Ancien militant, il témoigne de son passé dans "l'orga", évoque de manière critique l’évolution des vieux gauchistes, les souvenirs gênants. Son histoire de mai 68 est intéressante à entendre, en cette année de commémorations.
" Une histoire qui remontait au temps où la révolution était à l’ordre du jour. Au temps où les conseils ouvriers allaient prospérer. Où la lutte armée n’allait pas tarder à sévir. Au temps où l’Internationale allait être le genre humain. "
Mais pour l’heure nous sommes en 1981, la vague rose vient de déferler sur la France. Victor promène son appareil photo dans les rues, le soir du résulta des élections.
" El pueblo, unido, jamas sera vencido. Aussi martial, pathétique, désarmé qu’une forêt de poings face au fascisme qui, comme chacun sait, ne passera pas. Tu parles, mon camarade. Un groupe déboule du boulevard Henri IV. Drapeaux rouges et, bien sûr, on n’y échappe plus désormais : tricolores. On a gagné ! Tout le drame des victoires populaires, quand elles sont électorales, tient dans ce cri débile. Photo. Photo des nouveaux majoritaires et des futurs cocus. Si encore ils s’en tirent en n’étant que cocus..."
En même temps que le cadavre du passage, surgissent un ancien vague camarade nom de code Walter, une belle pute obsessionnelle et un flic intellectuel nommé Villon. Victor s’enverra quelques bières et whiskies avec lui, fasciné par la rencontre des deux extrêmes qu’ils représentent. Il y a du détachement chez Victor, spectateur plus qu’acteur. Peut-être, après la lutte et quelques désillusions, a-t-il choisi de vivre tout court.
En préparation ou suite à la lecture de ce livre, on peut se plonger dans l’oeuvre de Marcel Duchamp, artiste et photographe français omniprésent dans cette histoire, mais je vous laisse découvrir de quelle manière.
Jean-François Vilar n’a plus rien publié depuis la fin des années 90. L’avantage c’est que je viens de le découvrir avec ce premier roman. Il me reste toute sa bibliographie (dans laquelle Victor Blainville est un personnage récurrent) à rattraper. Des titres comme Bastille Tango ou Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués me font tout de suite les yeux doux. Je vous le recommande plus que vivement ; j’ai l’impression qu’il est bien oublié.
Dès le début, la vue joue un rôle important. Victor Blainville est journaliste photographe et remplace l'habituel détective qui mène les enquêtes dans nombre de romans policiers. Il passe beaucoup de son temps en promenade dans Paris, le doigt sur le déclencheur, et goûte particulièrement les passages, ces lieux couverts traversant les rues. C’est dans la vitrine de l’un d’eux qu’il découvre un cadavre curieusement mis en scène. Sens de l’observation et connaissance de l’art sont mis à contribution.
Victor vit avec ses chats bolcheviks, dans un appartement poussiéreux, et se déplace à vélo. Ancien militant, il témoigne de son passé dans "l'orga", évoque de manière critique l’évolution des vieux gauchistes, les souvenirs gênants. Son histoire de mai 68 est intéressante à entendre, en cette année de commémorations.
" Une histoire qui remontait au temps où la révolution était à l’ordre du jour. Au temps où les conseils ouvriers allaient prospérer. Où la lutte armée n’allait pas tarder à sévir. Au temps où l’Internationale allait être le genre humain. "
Mais pour l’heure nous sommes en 1981, la vague rose vient de déferler sur la France. Victor promène son appareil photo dans les rues, le soir du résulta des élections.
" El pueblo, unido, jamas sera vencido. Aussi martial, pathétique, désarmé qu’une forêt de poings face au fascisme qui, comme chacun sait, ne passera pas. Tu parles, mon camarade. Un groupe déboule du boulevard Henri IV. Drapeaux rouges et, bien sûr, on n’y échappe plus désormais : tricolores. On a gagné ! Tout le drame des victoires populaires, quand elles sont électorales, tient dans ce cri débile. Photo. Photo des nouveaux majoritaires et des futurs cocus. Si encore ils s’en tirent en n’étant que cocus..."
En même temps que le cadavre du passage, surgissent un ancien vague camarade nom de code Walter, une belle pute obsessionnelle et un flic intellectuel nommé Villon. Victor s’enverra quelques bières et whiskies avec lui, fasciné par la rencontre des deux extrêmes qu’ils représentent. Il y a du détachement chez Victor, spectateur plus qu’acteur. Peut-être, après la lutte et quelques désillusions, a-t-il choisi de vivre tout court.
En préparation ou suite à la lecture de ce livre, on peut se plonger dans l’oeuvre de Marcel Duchamp, artiste et photographe français omniprésent dans cette histoire, mais je vous laisse découvrir de quelle manière.
Jean-François Vilar n’a plus rien publié depuis la fin des années 90. L’avantage c’est que je viens de le découvrir avec ce premier roman. Il me reste toute sa bibliographie (dans laquelle Victor Blainville est un personnage récurrent) à rattraper. Des titres comme Bastille Tango ou Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués me font tout de suite les yeux doux. Je vous le recommande plus que vivement ; j’ai l’impression qu’il est bien oublié.