Jaroussky, Carestini, The story of a castrato, Le concert d'Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm, Virgin Classics, 2007.

L'histoire de Carestini me touche. Une grande partie de sa musique m'intéresse... Il y a là quelque chose d'un peu obsessionnel. On ne saurait pas expliquer... Ça tient aussi de la collection : ça fait huit ans que j'essaie de trouver de ses airs un peu partout... C'est peut-être à la limite d'une curiosité un peu malsaine. Je veux en savoir plus... Qui était-ce ? Etc. C'est une curiosité qui ressemble à celle que l'on éprouve pour le "people", mais pour un people qui viendrait du passé !
Jaroussky lors de l'interview donnée à Ramifictions.

Jaroussky a une voix de haute-contre, le genre de voix de tête qui s'approche le plus de la voix des castrats. Il marche ici, en faisant revivre son répertoire, dans les pas de Giovanni Carestini (1705-1760) rival de Carlo Broschi dit Farinelli qui possédait une technique de voix spectaculaire. Tous deux stupéfièrent les auditoires au XVIIIème siècle et travaillèrent avec divers compositeurs de l'époque. Carestini possédait un timbre de voix d'une pureté qui fit dire à Hasse (1699-1783) "Qui n'a jamais entendu chanter Carestini ignore ce qu'est la beauté du chant". Handel disait de lui que c'était "Une canaille"... Quand Jaroussky, 300 ans plus tard, monte dans ses gammes aériennes on dirait parfois un gosse qui se marre et quand il descend dans les graves il devient profond et s'approche des cavernes. Sacrée tessiture, même si on voudrait, sur certains passages, un chouïa d'émotion en plus. On est pas encore au niveau d'Andreas Scholl dans disons La Passion Selon Saint Mathieu de Jean Sebastien Bach dirigée par Herreweghe. Mais quand même, Jaroussky virevolte sur les morceaux rapides comme une toupie, parfois espiègle. Il se pose, faussement alangui, sur les morceaux lents. Et surtout, il n'en fait pas trop. C'est la première collaboration entre le haute-contre et Emmanuelle Haïm pour un récital enregistré sur CD. Les cordes, les cuivres, le luth, le clavecin et l'orgue du Concert d'Astrée portent très bien la voix du contre tenor. Là encore on voudrait un peu plus d'aspérités, disons le côté roots que Rolf Lislevand et l'ensemble Kapsberger savent insuffler. Le Scherza Infida de l'Ariodante, le Mi lusinga d'Alcina de Handel, le Se mai senti de La Clemenza di Tito de Johann Adolf Hasse, Le Ciel nemico de I fratelli riconoscuiti de Giovanni Maria Capelli sont des perles qu'on va caresser pendant longtemps et qui apaisent. Pour la tempête on se passera en boucle le Vo disperato a morte tiré de La clemanza di Tito de monsieur Hasse. Le Gluck, Sperai vicino il lido et les deux extraits de L'Orféo de Carl Heinrich Graun justifient à eux seuls que l'on se procure le disque dans les plus brefs délais... La voix de Jaroussky est mise en danger par le côté plus grave du répertoire et on oublie fissa les critiques sur l'émotion et le manque de punk dans les interprétations baroques contemporaines.

Le choix du récital de Jaroussky permet quelques découvertes avec la présence d'inédits. Nicola Porpora (1686-1768), Giovanni Maria Capelli (1648-1726), Leonardo Leo (1694-1744), Johann Adolf Hasse (1699-1783), Carl Heinrich Graun (1704-1759) côtoient Chrisoph Willibald von Gluck (1714-1787), George Frederic Handel (1685-1759).

Voici la publicité de l'album Carestini, The Story Of A Castrato durant laquelle on entend deux extraits du disque.