Good Kill, presque un anti Top Gun


Les personnages de Good Kill vivent dans un univers fonctionnel et désincarné, au travail ils tuent des gens devant des écrans, chez eux tout est vide. Tourné du point de vue du drone, le dernier film d'Andrew Niccol est presque un anti Top Gun.


"Le truc le plus dangereux que je fais, c'est prendre l'autoroute"

Tuer des gens comme dans un jeu vidéo n'est pas très glorieux et tout ce que veut le personnage joué par Ethan Hawke (il est tellement plat qu'on a du mal à retenir son nom) c'est remonter sur un avion et ressentir le danger (ou l'adrénaline). Ce qu'il fait avec son joystick ne correspond plus, non plus, à sa morale : il tue sciemment des civils (chose qu'il devait aussi faire avec son F-16, mais là il y avait en échange un peu de danger et d'adrénaline).

"Je me sens lâche. Chaque jour."

Malheureusement le scénario pèche un peu, le personnage de Vera Suarez (Zoë Kravitz) qui fonctionne comme une porte de sortie (un échappatoire) est inutile (ou mal exploité). Elle en rajoute dans les bons sentiments, une larme coule quand elle tue des innocents en même temps que les coupables. Difficile de comprendre ce qui l'attire chez ce type qui est plutôt un crétin (tout ce qu'il veut c'est que ce soit comme avant dans son couple comme dans son boulot) qui n'arrive pas à prendre la décision d'arrêter. Avant de faire un choix et de renoncer à son travail, Tommy (c'est son nom) va tenter de réagir, faire quelque chose qu'il juge bien, reprendre - un minimum -le contrôle de ses actions avec ses moyens (techniques et intellectuels) ce qui tend presque à lui donner une dimension héroïque ; là encore c'est un peu trop facile (ou classique). Peut-être que tout ces personnages sont trop d'archétypes, qu'ils sont trop bêtes, trop engoncés dans leurs rôles pour qu'on ne s'ennuie pas des répétitions. En même temps c'est là aussi le côté anti Top Gun du film...

"- Comment ça se passe la guerre contre le terrorisme ?
- Comme vous contre la drogue."

Le moins qu'on puisse dire c'est que le discours politique servi par les militaires n'est pas à l'avantage des Etats-Unis. De nombreuses répliques du film sabrent dans l'image, à laquelle pas grand monde ne croit, du pays défenseur des libertés. Les luttes se révèlent souvent internes, Armée de l'air contre CIA, budgets à conserver, image à protéger...

"Las Vegas, c'est ici la fin de la civilisation"

Là où le film est le plus glaçant (avec les scènes d'assassinats sur petit écran plat) c'est dans le côté absurde de la vie de ces soldats. Une vie creuse avec des gens creux, la pauvreté de leur discours et de leurs actions. En dehors de tuer des gens à 10 000 kilomètres de la base du Nevada depuis laquelle ils opèrent, ils ne font rien d'autre que boire, faire un barbecue entre eux, aller en boîte et jouer au casino. Les scènes de vie de famille sont assez glaçantes. Quand la petite fille dit à son père qu'elle réfléchit au monde qui l'entoure il lui répond qu'elle ferait mieux de dormir. Ce modèle de vie (qu'ils disent défendre) n'est à aucun moment enviable. Au début du film on se dit que c'est pas vrai, que c'est de la Science Fiction. Il plane ici un petit air, dans l'ambiance et les bâtiments, de Bienvenue à Gattaca.