Peu de gens aiment les flics, quasiment personne n'aime les CRS. Partout en Europe la pression sociale augmente et la répression est de plus en plus violente ; entre le peuple et l'État il y a des flics. A.C.A.B. nous plonge du côté de l'équivalent des CRS italiens par le truchement de quelques hommes idéologiquement engagés à l'extrême-droite.
Un sujet à prendre avec des pincettes
Le film choisit de nous montrer le point de vue d'un petit groupe de CRS qui s'organisent au-delà de leur travail autour d'une idéologie fasciste. Le personnage d'une jeune recrue un peu candide sert de point de vue sur les agissements de la compagnie. Nous ne pénétrerons quasiment jamais chez les hooligans à part aux moments où les flics sont en contact avec eux. Il en va de même pour les groupes d'habitants qui doivent être expulsés et pour le campement de Roms qu'ils doivent démanteler. Le seul contrepoids à cette vision unilatérale est l'ex-femme d'un des flics.
Point de vue d'un groupe de fascistes
Pour la compagnie de CRS en question, ce qui compte par dessus tout c'est le groupe et quoi qu'il en coûte il faut défendre son "frère". Un des avantages du film est de nous épargner la représentation de fascistes stupides et de montrer des gens qui réfléchissent et s'organisent. Il y a une scène d'expulsion terrible qui va dans ce sens (Voir l'extrait L'EXPULSION sur le site de Télérama) et qui montre comment la violence psychologique et la négation de l'individu n'a pas forcément besoin de passer par le violence contre les personnes. La scène du parc où les flics font nettoyer les ordures à une bande de semi clochards pour venger un de leurs amis est assez parlante sur les motivations du groupe : 1. La vengeance d'un frère, 2. La domination, 3. Le maintien d'un certain ordre. Au lieu de nous montrer plusieurs fois d'affilés l'exaspération montante face à l'étranger qui viole les femmes et vole le logement de l'Italien de souche, j'aurais aimé quelques autres scènes qui nous montrent que l'extrême-droite ne s'appuie pas seulement sur un discours ultra nationaliste. S'il est difficile d'éprouver de la sympathie pour ces flics, on comprend leur fonctionnement.
Une fin paranoïaque
Le final est filmé - comme tout le film - du point de vue des CRS et se termine sur une scène paranoïaque où la brigade se trouve envoyée au casse pipe par l'État pour expier la mort d'un jeune supporter tué par un flic. Les gars prennent ce dernier combat comme une punition/expiation pour ce qu'ils ont fait à l'école Diaz lors de sommet du G8 à Gênes en 2001. Là où je trouve la chose ambigue c'est que rien ne vient contredire ce final paranoïaque porté par la musique et les effets de caméras, si ce n'est ma propre perception du film. J'aurais aimé - à cause du côté épineux du sujet - qu'A.C.A.B. se termine sur une scène qui me conforte dans mon analyse en donnant une lecture morale du film. Cela ne semble pas être le chemin choisi par le réalisateur Stefano Sollima, ce qui a l'avantage de provoquer la discussion et le débat. Quoi qu'il en soit le film possède une bonne palette d'acteurs, une photo qui colle au sujet et une réalisation efficace. Reste à lire le livre de Carlo Bonini.
A.C.A.B. un film de Stefano Sollima, 2012, 112 min.