Une affaire d'âge.
Je me souviens très bien avoir essayé de visionner Automne, un des contes de Rohmer, à la sortie de l'adolescence et d'avoir dit du mal de Rhomer par la suite... des phrases comme "Rohmer on dirait une série américaine de M6 fait par un français... c'est un peu comme les feux de l'amour, quoi". Je n'ai jamais vu un épisode en entier des Feux de l'amour et je n'avais jamais regardé un Rohmer en entier, mais surtout je n'avais pas l'âge. C'est sûrement un truc qui arrive en vieillissant, on se rend compte qu'il y a des âges pour comprendre. À l'époque ma définition du cinéma était sûrement assez réduite et ce qui n'entrait pas dans cette définition ne me concernait pas.
J'ai regardé Pauline à la plage et j'ai compris.
Les dialogues sonnent un peu comme au théâtre. C'est très démonstratif de par cette "diction" et le côté "documentaire" : les acteurs montrent leurs sentiments par les expressions de visage et les postures corporelles ainsi que leur placement dans l'espace. Chacun des personnages a un discours et ce discours ne correspond pas forcément à ses actions, ni a ce qu'il pense vraiment. D'autre part, les personnages se déplacent peu et ne sont pas filmés dans l'action. Sauf dans un instant de violence, ils ne font rien à part marcher un peu et se caresser. Il n'y a pas de "méchants" ou de "gentils" et chacun pourra s'attacher à un ou plusieurs personnages et le suivre.
"L'amour ne se commande pas" dit Marion
Le film est centré sur la question du désir, de l'amour et du mensonge, la jalousie a sa part et tout cela est filmé avec son lot de pectoraux et de tétons qui pointent, de caresses et de baisés... Cet érotisme et la façon dont le sujet est traité ne sont pas sans rappeler le théâtre de Marivaux. Le film est entièrement centré autour de 3 hommes et 3 femmes et tout paraît très "naturell. Il y a sans aucun doute un style "Rohmer" et nous ne serons pas sans en reparler ici.
Eric Rohmer, Pauline à la plage, 1983