Le Festival de Lovecraft, la répétition et un peu de Donjons & Dragons

Le Festival de Lovecraft et un peu de Donjons & Dragons


Lovecraft a influencé le monde du jeu de rôle. Il est avec Tolkien l'un des auteurs les plus cités par les rôlistes. À la lecture de la nouvelle Le Festival (The Festival, 1923 / Weird Tales 1925) on croisera l'évocation de tout un monde souterrain qui rappellera l'Outreterre des Royaumes Oubliés, un univers de Donjons & Dragons. Cette répétition d'ambiance participe à la puissance évocatrice des oeuvres.

Dans la nouvelle écrite en 1923 par Lovecraft le passage vers le monde souterrain se fait par la crypte d'une église et après une longue descente sous terre. Beaucoup d'éléments croisés dans l'Outreterre de Donjons & Dragons sont ici évoqués. Le culte étrange autour d'une flamme verte et malsaine, "un large fleuve huileux issu des abysses", les ténèbres, les êtres difformes et étranges qui habitent les profondeurs, les lichens et moisissures, "des gouffres et des galeries" jusqu'aux "champignons titanesques" qui rappelleront les fameux myconides et fongus du Manuel des Monstres.

Relire Le Festival permet de plonger dans plusieurs paysages lovecraftiens. L'arrivée sur la ville de Kingsport rappellera les premiers paragraphes de La couleur tombée du ciel. La ville est plongée dans un XVIIe siècle fantasmé (une période chère à l'auteur). Une ambiance gothique est présente avec église, cimetière et feux follets. Quelques livres - des classiques inventés par l'auteur - sont évoqués dont le fameux Necronomicon. La musique (une flûte) participe de l'ambiance sans pour autant prendre l'importance qu'elle a eue dans La musique d'Erich Zann (The Music of Erich Zann, 1921 / The National Amateur, 1922).

La nouvelle comporte une thématique récurrente de l'oeuvre : l'hérédité et la culpabilité qui peut en découler. On retrouve le poids de l'héritage dans de nombreuses nouvelles tel que Le Cauchemar d'Innsmouth et L'Affaire Charles Dexter Ward pour ne citer que ces trois classiques.


Le Festival est un rapide condensé des effets lovecraftiens. Elle fonctionne sur le schéma d'une promenade onirique et terrifiante. Trame qu'il répète souvent - tout comme les effets descriptifs présents ici - provoquant un effet qui permet de chausser l'horreur et le désespoir dont il est question comme s'il s'agissait d'une bonne vieille paires de chausson. L'imaginaire fonctionne alors comme ces histoires que l'on raconte aux enfants. Ils les connaissent par coeur mais jubilent de cette connaissance et de cette répétition de sensations. Lire et relire Lovecraft c'est à la fois être en terrain connu par la répétition des thèmes, mais c'est aussi ouvrir ou entrevoir un imaginaire indicible et grandiose.

Il en va un peu de même des Royaumes Oubliés, l'univers phare de Donjons & Dragons qui répète sur un spectre plus large les poncifs de la fantasy en mélangeant Tolkien, Fritz Leiber, Ursula Le Guin et toute une tripotée d'univers connus des rôlistes dans un bazar moins structuré et moins matérialiste que l'oeuvre de Lovecraft. 

Oui, la répétition a du bon !


Emeric Cloche.