Sara Doke, Michel Foucault, Bob Dylan et la fin du monde

Nantes confinée


À Nantes où les personnels médicaux et hospitaliers ont été applaudis aux fenêtres hier soir à 20 heures des tags apparaissent (comme "Coco, boulot, dodo") et des banderoles fleurissent.

Ici, pour l'instant, ça va bien. Nous avons un appartement avec balcon et petit jardin en-dessous. Avec Fondu Au Noir nous sommes au chômage (les dates de conférences, festivals et formations tombent à l'eau). Je ne connais pour ma part personne qui soit mort du coronavirus et j'espère bien que cela ne va pas arriver ; ça n'a pas l'air sympathique comme façon de mourir. D'autant plus que les enterrements ça a l'air compliqué... par contre tu peux aller bosser, décharger et charger des camions sans masque, bosser chez Mac Donald et dans les entrepôts d'Amazon sans masque... mais pas aller enterrer un proche. Psychose et contradictions en pagaille.

En ces temps étranges voici deux textes et une playlist façon fin du monde.

Voici venu le temps de l’apocalypse molle par Sara Doke


"Voici venu le temps de l’apocalypse molle.
Une apocalypse sans lutte, sans barricades, une apocalypse qui conforte un contrat social ultra libéral, capitaliste et individualiste. Une apocalypse sans zombies, sans autre cible que les plus pauvres. Une apocalypse dont est absente la franche camaraderie du combat contre l’oppression et pour la liberté. Une apocalypse triste où chacun obéit aux ordres dans la peur, une apocalypse de masques et de gants, sans armes, sans pavés. Une apocalypse de distances, de délations et de craintes. Une apocalypse de méfiance et de mépris des plus précaires. Une apocalypse pour vulnérables qui impose la collaboration. Une apocalypse d’hôpitaux surchargés, de manque de moyens et de psychodrames. Une apocalypse d’appel aux dons et de budgets limités. Une apocalypse où l’individu doit palier aux manquements, aux trahisons des puissants. Une apocalypse des acquis détricotés, de la destruction sociale. Une apocalypse en musique confinée, sans théâtre, sans danse, sans cinéma, sans musées, une apocalypse immobile. Une apocalypse où les lieux sociaux nous sont fermés, où le lien social se délite. Une apocalypse de silence et de non-dits. Une apocalypse d’abandon et de solitude où le défi est condamné. Une apocalypse où malades, vieux et prisonniers sont les premiers touchés. Une apocalypse du chacun pour soi qui oublie et condamne la fracture numérique. Une apocalypse qui surcharge les plus fragiles, dans un grand mépris général. Une apocalypse de riches, d’indifférents, de romantiques. Une apocalypse de réseaux sociaux et de téléphones portables. 
Voici venu le temps de l’apocalypse de droite." Sara Doke, autrice, journaliste et traductrice

Le rêve politique de la peste par Michel Foucault


"Contre la peste qui est mélange, la discipline fait valoir son pouvoir qui est d'analyse. Il y a eu autour de la peste toute une fiction littéraire de la fête : les lois suspendues, les interdits levés, la frénésie du temps qui passe, les corps se mêlant sans respect, les individus qui se démasquent, qui abandonnent leur identité statutaire et la figure sous laquelle on les reconnaissait, laissant apparaître une vérité tout autre. Mais il y a eu aussi un rêve politique de la peste, qui en était exactement l'inverse : non pas la fête collective, mais les partages stricts; non pas les lois transgressées, mais la pénétration du règlement jusque dans les plus fins détails de l'existence et par l'intermédiaire d'une hiérarchie complète qui assure le fonctionnement capillaire du pouvoir; non pas les masques qu'on met et qu'on enlève, mais l'assignation à chacun de son « vrai » nom, de sa « vraie » place, de son « vrai » corps et de la « vraie » maladie. La peste comme forme à la fois réelle et imaginaire du désordre a pour corrélatif médical et politique la discipline. Derrière les dispositifs disciplinaires, se lit la hantise des « contagions », de la peste, des révoltes, des crimes, du vagabondage, des désertions, des gens qui apparaissent et disparaissent, vivent et meurent dans le désordre." Le rêve politique de la peste, Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975. (Merci Platoche...)


Bob Dylan, une playlist



Face A

Ballad of a Thin Man, tiré de l'album Highway 61 Revisited
Thunder on the Mountain, tiré de l'album, Modern Times
Everything is broken, tiré de l'album Political World
High Water (for Charley Patton), tiré de l'album Love & Theft
A Hard Rain's a-Gonna Fall, tiré de l'albumThe Freewheelin' Bob Dylan


Face B

All allong The Watchtower, tiré de l'album John Wesley Harding
World Gone Wrong, tiré de l'album World Gone Wrong
When the Ship Comes In, tiré de l'album The Times They Are a-Changin'
Desolation Raw, tiré de l'album Highway 61 Revisited
Ain't Talkin', tiré de l'album, tiré de l'album Modern Times