Blessés de Notre Dames des Landes, cet étrange silence médiatique




« Le samedi, j’ai soigné onze blessures par flashball, raconte-t-elle. La plus grave a concerné une personne qui était complètement dévisagée. C’était impressionnant. »

La presse écrite (j'ai vu un article dans Politis et un dans le Télégramme) ne parle pas ou très peu (1) des blessés à Notre Dames des Landes lors de l'intervention des forces de l'ordre les 24 et 25 Novembre. Pourtant il y a des témoignages qui pourraient être publiés... Il y a cette lettre d'un des deux médecins qui étaient sur place. Une lettre édifiante au Préfet (avec copie aux parlementaires de Loire Atlantique) restée pour l'instant sans réponse.

Une centaine de blessés en deux jours, que l'on soit pour ou contre ce projet d'aéroport, cela devrait poser question et interpeller. Cela mériterait un traitement médiatique, non ? Cela mériterait une réponse du Préfet, non ? Et un débat sur l'utilisation de la Force publique, pas vrai ? À moins que la plupart des gens soient d'accord pour que l'État emploie de cette manière la Gendarmerie et l'arsenal d'armes dont il a été fait usage pour l'occasion. Sans parler de la population pacifique, familles et enfants, passée au jet d'eau pendant la manifestation nantaise du samedi 24 novembre à Nantes.

Heureusement d'autres médias font circuler l'info. Des blogs, des réseaux militants, mais aussi des organes tel que le Quotidien du Médecin (cliquer sur le lien pour lire l'article). 

Le traitement de l'information dans les médias de masse sur ce qui se passe à Notre Dames des Landes témoigne souvent, de part son vocabulaire tranché ("jeunes", "squatters", "radicaux", "anarchistes"), d'un parti pris de l'information et d'une certaine incompréhension de ce qui se passe ici. Ce qui explique probablement l'accueil très tiède perçu par certains journalistes sur place. D'autres, cependant, réussissent à faire correctement leur travail. Pendant ce temps une dépêche AFP titre "L'hostilité envers les journalistes s'empare du bocage" (carrément, "s'empare du bocage). De nombreux journalistes montent au créneau pour leur "liberté d'informer". Liberté d'informer, certes et nous sommes bien d'accord sur l'importance et l'intransigeance dont il faut faire preuve quand à la liberté de la presse. Mais pour quelles informations ? Depuis quand le sujet de Notre-Dame-des-Landes les intéresse ? Où sont les articles de fond, la réflexion ? De quoi sommes-nous informés ?

Pourquoi tous les journaux ont repris en choeur l'affaire du vigile, d'abord soi-disant brûlé, ensuite blessé (affaire qui a bizarrement fait un flop tant judiciaire que médiatique...), mais pas les blessés dont il est fait état sur place ? Des blessés avec des débris de 5mm à 1cm incrustés dans la chair. Des gens venus en soutien, gazés par les gendarmes, l'usage répétée de grenades assourdissantes... Un homme que nous connaissons, et qui reçoit un tir tendu de grenade lacrymogène directement sur son front, heureusement pourvu d'un épais bonnet.


Incompréhension et mépris jusque dans les rangs de l'État, avec les déclarations de messieurs Valls (ministre de la défense) et Ayrault (premier ministre) qui emploient les termes "kystes" et "étrangers" (pour Valls), "anarcho-autonomes" et "minorité" (pour Ayrault) pour désigner les opposants à l'aéroport qui viennent pourtant d'horizons divers. Remarquons au passage que ces termes ne nous changent pas vraiment de ceux employés par le précédent gouvernement.

Côté Police, le syndicat Unité Police Force Ouvrière dénonce une gestion désorganisée, des policiers et gendarmes épuisés par le manque de rotation des effectifs. Le mensuel du Golf du Morbihan donne des chiffres parlant : 2200 hommes, gendarmes et CRS, mobilisés. Deux fois plus qu'en Afghanistan.

Alors qu'une « commission du dialogue » a été constituée par le gouvernement, qui par ailleurs rappel que le projet d'aéroport se fera, arrêtés préfectoraux (interdiction de transporter du carburant sur Notre Dame des Landes et Vigneux de Bretagne du 3 au 10 décembre, "considérant les risques de trouble à l'ordre public") et présence policière laissent peu de doute quand à l’imminence d'une vaste action de répression contre les opposants à l'aéroport qui sont sur la ZAD. Combien de blessés cette fois-ci ?
Tiens, j'ai une chanson qui me trotte dans la tête, une chanson qui est née 3 ans avant ce projet d'aéroport. Un air, qui lui, est toujours d'actualité.

(1) en page 9 - comprendre page Loire-Atlantique - pour Ouest France et sur deux petites colonnes.