Malevil de Robert Merle

Malevil faisait partie de mes souvenirs de lecture d’adolescence. Un temps fort -un peu comme la première fois où j'ai réalisé que mes parents mourraient un jour - qui m’a fait découvrir les romans de fin du monde. Le goût évoluant en même temps que les critères de jugement, je craignais de relire ce livre. J'ai cédé au plaisir cet été, à la montagne. Cadre parfait pour coller à l’ambiance de l’histoire.

La relecture de Malevil ne m'a pas déçue, le souvenir n'était pas enjolivé par le temps passé. J’ai retrouvé Emmanuel, Noé dans son arche de pierre, échantillon de civilisation survivante en pleine campagne ; victime et modèle pour ce fantasme absolu et puissant : la vie disparaît de la surface de la terre. Insectes, maisons, immeubles, êtres humains, téléviseurs et champs de fleurs... rien, il ne reste rien. On est au milieu des années 70 et une bombe nucléaire a explosé. Que reconstruire ? La communauté repart à zéro, préoccupée par l’essentiel : sa survie. Pouvoir se nourrir, se défendre, se reproduire. Il n’y a que l’aspect médical qui soit un peu plus occulté que les autres.

Les circonstances permettent à l’auteur de soulever plusieurs questions. Il y a d’abord la construction d’une société : quelles règles choisir ? Dans des conditions où les femmes sont en minorité, la monogamie (et donc l’idée d’amour) est remise en question. La religion garde une place mais n’est en rien un guide (la Bible est lue le soir au coin du feu, mais un faux prêtre prend le pouvoir). La mort donnée volontairement (face aux pillards notamment) devient un acte toléré. Jusqu’au choix ultime : relancer la technologie et la science au risque de reproduire les mêmes conséquences ? Au final cette nouvelle société bâti par tous tend vers un « communisme agraire primitif », mais il n'est pas sûr qu'elle soit pérenne...

On peut lire Malevil à 15 ans, le relire et le relire encore, des réflexions en sortiront toujours. Et puis le plaisir de retrouver chaque personnage, le décor du château et de la campagne noircie. Des images fortes, d'anticipation mais aussi d'aventures, à placer aux côtés de La Route de Cormac McCarthy, ou du Monde Enfin d'Andrevon.

Robert Merle, Malevil, Gallimard 1972, réédition Folio 2006, 9 euros 60, 636 p.