Pascal Garnier, la Lune le Panda et la Douleur

Dans la catégorie polar français, en marge des incontournables qu'il n'est pas besoin de rappeler, ma liste d'auteurs à part s'agrandit. Il y avait Marcus Malte, Benotman, puis DOA et Thierry Marignac, mais aussi Pascal Garnier. Publié au Fleuve Noir et plus récemment chez Zulma, il écrit beaucoup et très bien. Pourtant, il est moins connu et reconnu, que Marcus Malte par exemple (de la même maison d''édition, mais avec un prix des lectrices de ELLE en plus). Mais faut dire, c'est un auteur discret.

D'abord, j'ai découvert Comment va la douleur ? Ce roman m'a fait penser à une fin alternative pour le Martin Terrier de Manchette, comme s’il était encore en vie et proche de la retraite. Il s’appelle Simon, il a peu d’indulgence pour le genre humain et cherche sa fin. Bernard, un jeune naïf amputé, croise sa route.

« - Et puis lorsqu’on est fatigué d’une île, on reprend la mer et c’est comme repartir à zéro. - Pourquoi vous voudriez repartir à zéro ? Vous avez l’air d’avoir bien réussi dans la vie. Moi, j’arrive pas à en décoller, du zéro. Sans doute par association d’idées, Bernard prit une île flottante en dessert. »

La force de Pascal Garnier, c’est une noirceur mêlée à une grande tendresse, et un sens incroyable du détail. Assis avec Bernard au bord de l’eau, vous découvrez ce qui a fait sa vie, et en même temps une truite et une mouche se mêlent au portrait. Sous sa plume, les objets prennent une autre dimension ; il trouve tout de suite l’angle qui va déclencher une sensation chez le lecteur. Peut-être son oeil de peintre. « Il n’avait toujours pas entamé sa glace qui peu à peu prenait l’aspect d’une bouse de vache hépatique. »

Ricochets au bord de l’eau, la plage le soir maculée des empreintes de pied, bouteille de rhum... Petites choses de rien, odeurs et personnages, tout contribue à l’ambiance. Usant du contraste et du non-dit, d’une discrète analyse sociale et de poésie, Pascal Garnier captive par la force de son écriture. On remarque son style, on ne tourne pas les pages sans y prêter attention.

Puis est venu La théorie du Panda. En une page d’ouverture, la gare puis l’hôtel, Pascal Garnier construit un monde tout autour de son lecteur, le place côte à côte avec son personnage. Toujours avec ces images fortes. « Il ne dit rien. Il attend que José finisse de s’effacer le visage en se frottant à deux mains les yeux et les joues hérissées de poils noirs. »

Des êtres sans lien les uns avec les autres se rencontrent autour de Gabriel, personnage errant dans cette ville qui ne dira son nom qu’à la fin. On perçoit les échos de souffrances, des bonheurs perdus craintivement retrouvés. Il y a dans l’église cette petite vieille qui avoue avoir empoisonné son chien, derrière le comptoir de l’hôtel la réceptionniste en mal d’amour, au bar ce patron seul et désemparé ; et tous nous installent dans une ambiance quasi douillette. « Le poireau-pomme de terre est le meilleur ami de l’homme qui s’est penché trop près du bord. » Les instants partagés sont forts. Mais ici ce n’est pas le monde d’Amélie Poulain. La noirceur pèse, la noirceur gagne. Aussi entouré soit-il, le solitaire explose sous la douleur.

Dernièrement, j'ai poursuivi avec Lune captive dans un oeil mort, et là bon sang l'humour que je n'avais pas totalement décelé chez l'auteur m'a débordée. Des soubresauts de rire le soir dans le lit, mais de l'histoire je ne vous dit rien de plus. Maintenant, je peux remonter la chronologie des romans de Pascal Garnier ; l'avantage de l'avoir lu sur le tard.