Comme Dieu le veut, Niccolò Ammaniti


Souvent, à la découverte d’un fait divers entendu à la radio, ou lu dans un journal, on se demande ce qui a bien pu mener à tel accident bête ou telle mort incroyable. On voudrait en savoir plus, le pourquoi du comment, le contexte... Le roman de Niccolò Ammaniti, c’est un peu pénétrer ces détails. Il plante un décor, fait entrer ses personnages. On lit, on s’amuse, on suit les anecdotes, on grince un peu des dents et on se demande où tout cela nous mène.

Et puis tout s’emballe, les éléments se télescopent et basculent par une nuit d’orage. « Le monde changea et son existence devint importante, digne d’être racontée, quand il vit la tête du tondu disparaître dans l’ambulance. »

Rino le nazillon chômeur et son fils Cristiano, Danilo et Quattro Formaggi, c’est l’universalité des paumés. Ceux-ci sont italiens, se soûlent à la grappa, et s’abrutissent devant une télévision débilitante. La force d’Ammaniti réside dans une création quasi sans jugement, sans surcharge de pathos. Tout à la fois crétins, détestables et touchants, ses personnages sont laissés à la bonne appréciation du lecteur. Qui se prendra à rigoler du devoir écrit par Cristiano à la gloire du fascisme, jubilera devant les atermoiements de Beppo face à sa promesse envers Dieu ou tremblera lors de cette longue scène cauchemardesque dans les bois.

Et au final, nous avons toutes les pièces pour comprendre comment de simples petites choses accumulées mènent à une terrible misère. Des personnages qui restent longtemps en tête, un de ces bonheurs de lecture.

« Liberté par-ci, liberté par-là. Ils en ont plein la bouche. Mais, bon Dieu, t’en fais quoi de ta liberté ? Si t’as pas un rond, pas de boulot, t’as toute la liberté du monde mais tu sais pas quoi en faire. Tu pars. Et où tu vas ? Et comment tu y vas ? Les clochards sont les plus libres de la terre et ils crèvent congelés sur les bancs des parcs. »
Niccolò Ammaniti, Comme Dieu le veut, Grasset, 2008, 21,90 euros, 542p.